Au cœur de l’actualité politique malienne, une consultation nationale sur la réforme des partis politiques suscite vives tensions. Ouverte ce lundi 28 avril 2025 au Centre international de conférence de Bamako (CICB), cette phase finale clôture un processus entamé en avril dernier dans les régions. Objectif affiché : réduire le nombre pléthorique de formations politiques et encadrer leurs financements. Mais derrière ces ambitions affleure une crise bien plus profonde.
Les autorités de transition, au pouvoir depuis 2021, ont convié légitimités traditionnelles, religieuses et Maliens de la diaspora à formuler des propositions. Pourtant, l’opacité entoure le processus. Aucun document officiel n’a été publié sur les critères de sélection des participants, selon des sources gouvernementales interrogées par des médias internationaux. Un flou qui alimente les suspicions de la classe politique, regroupée au sein de l’Initiative des partis politiques pour la charte (Ipac).
La proposition choc issue des consultations régionales des 16-17 avril résume les craintes : dissolution pure et simple des 200+ partis existants pour les remplacer par « deux ou trois formations ». Une mesure radicale qui rappelle étrangement certains régimes à parti unique, loin des acquis démocratiques de 1991 obtenus après la chute du général Moussa Traoré.
« C’est une mascarade pour enterrer le multipartisme sous couvert de consultation populaire », dénonce un membre de l’Ipac sous anonymat. Cette coalition, qui rassemble les principaux partis historiques, avait pourtant proposé en mars des mesures consensuelles : seuil électoral relevé, financements publics conditionnés aux résultats… Des pistes ignorées au profit d’une refonte totale.
Les analystes y voient un paradoxe : alors que le processus de transition malien devait ramener les civils au pouvoir en 2024, les militaires au pouvoir semblent accélérer leur emprise sur l’architecture politique. « On assiste à un détournement de la demande populaire », analyse Drissa Traoré, politologue à Bamako. « Les Maliens veulent moins de corruption et plus de stabilité, pas nécessairement la mort de la démocratie pluraliste ».
Reste la question centrale : pourquoi un tel empressement ? Les autorités invoquent l’urgence de stabiliser un pays en proie à l’insécurité jihadiste. Mais leurs détracteurs pointent un objectif inavoué : éliminer toute opposition structurée avant des élections. Avec en ligne de mire, selon certains observateurs internationaux, un modèle inspiré du Rwanda voisin où le parti au pouvoir domine sans partage.
Alors que les travaux s’achèvent ce mardi, le spectre d’une crise institutionnelle plane. La Constitution de 1992 garantit le multipartisme – principe que la Cour constitutionnelle pourrait être amenée à trancher. Dans un contexte régional marqué par des coups d’État au Sahel, la communauté internationale observe avec inquiétude cette reconfiguration politique. L’Union africaine, déjà critique sur les délais de transition, pourrait durcir son ton.
Au-delà des enjeux maliens, ce dossier interroge sur l’équilibre entre stabilité politique et pluralisme démocratique en Afrique. Un débat qui résonne jusqu’en République Démocratique du Congo, où les réformes institutionnelles font régulièrement l’objet de vives controverses. À Kinshasa comme à Bamako, même question : comment moderniser la vie politique sans sacrifier les libertés acquises ?
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: mediacongo.net