Une découverte macabre vient de relancer le débat sur l’escalade de violence dans l’Ituri. Des ossements humains, appartenant à cinq cultivateurs enlevés par les Forces démocratiques alliées (ADF), ont été exhumés ce vendredi 25 avril dans le village de Matambwa, à deux kilomètres du centre de Kanyotha. Selon un rapport de la Convention pour le respect des droits humains (CRDH), cette trouvaille s’inscrit dans une série d’atrocités attribuées au groupe armé, dont le bilan s’alourdit de semaine en semaine.
Les faits remontent à plusieurs mois, selon les témoignages recueillis par l’ONG. Les victimes, identifiées grâce aux vêtements qu’elles portaient lors de leur enlèvement, avaient été capturées alors qu’elles se rendaient dans leurs champs. Un scénario devenu récurrent dans cette zone où les civils paient un lourd tribut à l’insécurité. Comment expliquer la persistance de ces enlèvements ciblés malgré les opérations militaires ? La question hante désormais les communautés locales.
La CRDH souligne que cette révélation intervient moins de trois mois après la découverte d’une fosse commune à Makilima en février 2024, où vingt corps avaient été ensevelis dans des circonstances similaires. Ces deux épisodes porteraient à 350 le nombre de civils tués par les ADF depuis janvier dans la seule chefferie de Babila Babombi. Des chiffres qui donnent froid dans le dos et interrogent sur l’efficacité des mécanismes de protection des populations.
L’organisation de défense des droits humains exige une réaction urgente des autorités. Dans son communiqué, elle réclame l’ouverture immédiate d’une enquête judiciaire pour « violations odieuses des droits humains », tout en insistant sur la nécessité de traduire les responsables devant la Cour pénale internationale si nécessaire. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bunia a été saisi, mais aucune instruction n’a encore été ouverte à ce jour.
Cette affaire met en lumière le calvaire des populations rurales de l’Ituri, prises en étau entre les exactions des groupes armés et la lenteur des réponses institutionnelles. Les cultivateurs, premières victimes de ces enlèvements, hésitent désormais à accéder à leurs propres terres agricoles. Une situation qui aggrave l’insécurité alimentaire dans une région déjà fragilisée par des années de conflits.
Sur le plan judiciaire, les défis restent immenses. La difficulté d’accès aux zones concernées, combinée à la présence active des ADF, complique considérablement les investigations. Pourtant, comme le rappelle la CRDH, chaque retard dans la collecte des preuves forensic diminue les chances d’identifier formellement les victimes et leurs bourreaux. Les familles des disparus, elles, réclament avant tout vérité et justice.
Cette nouvelle affaje s’inscrit dans un contexte sécuritaire régional volatile. Alors que la Monusco entame son retrait progressif, les attaques contre les civils se multiplient dans l’est de la République Démocratique du Congo. Les spécialistes de la question militaire s’interrogent : les Forces armées de la RDC (FARDC) parviendront-elles à enrayer cette spirale mortifère sans appui logistique international ?
En attendant, la CRDH appelle à une mobilisation générale. Outre les poursuites pénales, l’organisation plaide pour un renforcement des patrouilles militaires et un mécanisme d’alerte précoce dans les villages reculés. Des mesures qui, si elles étaient appliquées, pourraient peut-être éviter de futures tragédies. Mais dans l’immédiat, les communautés de Mambasa continuent de vivre au rythme des deuils et des terreurs nocturnes.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
