Le Conseil des ministres a marqué un tournant décisif dans la lutte contre la corruption en RDC en adoptant, vendredi 17 avril 2025 à Lubumbashi, le projet de loi instituant le Tribunal Pénal Économique et Financier (TPEF) et le Parquet National Économique et Financier. Présenté par le ministre d’État de la Justice Constant Mutamba, ce texte cristallise des années de réformes judiciaires réclamées par les institutions nationales et internationales.
Une réponse structurelle à la criminalité financière
Selon les termes du compte-rendu gouvernemental, le TPEF vise à « renforcer la collaboration institutionnelle entre les structures spécialisées d’enquêtes financières ». Le ministre Mutamba y voit un instrument clé pour une justice « plus crédible et technique », alignée sur les engagements du pays en matière de transparence et de gestion rigoureuse des ressources publiques. Des corrections procédurales y sont introduites pour accélérer le traitement des dossiers complexes, souvent paralysés par les lenteurs du système ordinaire.
« Ce projet matérialise l’évolution de la lutte anticorruption », a salué l’Inspection Générale des Finances (IGF) dans un communiqué, tout en pressant l’Assemblée Nationale d’accélérer son adoption.
L’aboutissement des États généraux de la justice
Cette avancée s’inscrit dans la lignée des recommandations formulées lors des États généraux de la justice de novembre 2024. Les participants avaient alors plaidé pour la création de chambres spécialisées et d’un parquet dédié aux crimes économiques d’envergure. Aimé Kilolo Musamba, rapporteur général de ces assises, avait insisté sur « l’indispensable restauration de la confiance populaire » via une justice financière autonome.
Le futur Parquet National Économique comblera une lacune majeure : actuellement, moins de 15% des dossiers de détournement de deniers publics aboutissent à des condamnations fermes, selon les chiffres de l’IGF. Doté de magistrats formés aux techniques d’enquête financière, il devra coordonner ses actions avec la Cellule d’exécution des financements en faveur des agriculteurs (CEFA) et l’Agence nationale de lutte contre la corruption (ANLC).
Un changement de paradigme salué… sous conditions
Si Jules Alingete Key, Inspecteur Général des Finances, avait appelé dès 2022 à cette réforme, des voix sceptiques s’élèvent déjà. « La spécialisation des juges ne suffira pas sans un budget conséquent et une protection statutaire des magistrats », nuance un procureur requis à Kinshasa sous couvert d’anonymat.
Le texte prévoit-il des garde-fous contre les pressions politiques ? Le ministre Mutamba évoque des « mécanismes de reddition des comptes » alignés sur les standards de l’Union africaine, sans détailler leur opérationnalisation. Reste que son adoption coïncide avec les exigences du FMI, conditionnant un déblocage de financements à l’assainissement des finances publiques.
Prochaines étapes : le Parlement sous surveillance
Tous les regards se tournent désormais vers le Palais du Peuple. L’IGF, par la voix de son secrétaire général, a exhorté les députés à « privilégier l’intérêt national sur les calculs partisans ». Un appel qui résonne alors que plusieurs élus font actuellement l’objet d’enquêtes pour enrichissement illicite.
Si le calendrier parlementaire reste flou, des sources proches de la présidence de l’Assemblée Nationale évoquent une « procédure accélérée ». Une urgence justifiée par le coût de la corruption, estimé à 15% du PIB annuel par la Banque mondiale. Le TPEF pourrait-il inverser cette tendance ? La réponse dépendra de son indépendance réelle… et de la volonté politique de le laisser fonctionner.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd