Dans un contexte de tensions persistantes dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), une nouvelle initiative diplomatique attire l’attention de la région des Grands Lacs. Ce lundi, le président togolais Faure Essozimna Gnassingbé, désigné médiateur de l’Union africaine (UA), entame une mission cruciale à Kigali pour des consultations avec son homologue rwandais Paul Kagamé. Cette démarche, annoncée par la présidence togolaise, vise à relancer le dialogue entre Kigali et Kinshasa, alors que les affrontements armés continuent de déstabiliser les provinces orientales de la RDC.
Les discussions, selon le communiqué officiel, se concentreront sur une analyse multidimensionnelle du conflit : causes historiques, implications économiques, et responsabilités des acteurs régionaux. Cette approche holistique souligne la complexité d’une crise où se mêlent rivalités géopolitiques, exploitation des ressources minières et méfiances héritées de décennies de conflits. Le médiateur togolais ambitionne d’établir un cadre propice à une réconciliation durable, condition sine qua non pour une résolution pacifique.
Mais pourquoi ce regain d’activisme diplomatique togolais ? Le Togo, bien que non frontalier de la RDC, cultive depuis plusieurs années une image de facilitateur neutre sur la scène continentale. En 2020 déjà, Lomé avait accueilli des pourparlers entre la RDC et le Rwanda. Cette nouvelle mission s’inscrit dans une stratégie de positionnement diplomatique, mais interroge aussi sur l’efficacité des mécanismes de résolution de conflits de l’UA face à une crise qui résiste aux solutions conventionnelles.
Le communiqué togolais met en avant trois axes prioritaires : identifier les racines du conflit, cartographier ses répercussions humanitaires, et impliquer les parties prenantes indirectes. Une référence à peine voilée aux allégations répétées de Kinshasa sur le soutien rwandais aux rebelles du M23 – accusations fermement démenties par Kigali. Les observateurs politiques en RDC notent que cette médiation survient alors que les rapports d’experts de l’ONU continuent de pointer des liens transfrontaliers alimentant l’instabilité.
« Sans une approche régionale concertée, toute solution restera un pansement sur une fracture béante », analyse un diplomate sous couvert d’anonymat. Les défis sont de taille : comment concilier les impératifs de sécurité de la RDC avec les intérêts économiques rwandais ? Quelle place pour les communautés locales dans ces négociations d’envergure ? Autant de questions qui nécessitent plus qu’un simple dialogue bilatéral.
Sur le terrain, les conséquences humanitaires ajoutent à l’urgence. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), plus de 6 millions de déplacés peuplent l’Est congolais, dont 700 000 rien qu’au Nord-Kivu depuis janvier 2024. Cette réalité tragique pèse sur les discussions, rappelant que derrière les enjeux géopolitiques se jouent des destins individuels.
La crédibilité de cette médiation dépendra de sa capacité à impliquer toutes les parties, y compris les groupes armés et la société civile congolaise. Certains experts craignent cependant un énième plan de paix sans suivi concret. « L’histoire récente de la région montre que les cessez-le-feu ont souvent servi de répit tactique plutôt que de prélude à une vraie solution », nuance un chercheur basé à Goma.
Reste que cette initiative coïncide avec des pressions internationales croissantes. La communauté internationale, par la voix de l’UA et de l’ONU, exige une désescalade immédiate. Les États-Unis et la France ont récemment appelé à un arrêt des soutiens externes aux milices – un message perçu comme destiné au Rwanda. Dans ce contexte, le rôle du Togo pourrait faciliter un compromis acceptable pour toutes les parties.
Les prochains jours seront décisifs. Si les consultations de Kigali aboutissent à une feuille de route commune, une rencontre tripartite RDC-Rwanda-Togo pourrait s’ensuivre. Mais le chemin vers la paix demeure semé d’embûches : méfiances institutionnelles, concurrence pour le contrôle des minerais stratégiques, et mémoire collective traumatisée par des cycles répétés de violences.
Alors que Kinshasa et Kigali affûtent leurs arguments, la population de l’Est congolais, elle, attend des actes concrets. La réussite de cette médiation se mesurera à l’aune d’une seule métrique : la possibilité pour des millions de déplacés de retrouver enfin leurs foyers, loin du bruit des armes.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd