Le troisième Sommet de l’Africa Political Outlook, tenu à Bruxelles les 25 et 26 mars 2025, a marqué un tournant dans les discussions sur les enjeux internationaux et le rôle de l’Afrique dans la reconfiguration de l’ordre mondial. Placé sous le thème « Nouveau Sud, Vieux Monde », cet événement a rassemblé des décideurs politiques, économiques et multilatéraux venus du monde entier pour aborder les mutations profondes qui redéfinissent les équilibres globaux.
Dans son discours inaugural, S.E. Moses Vilakati, Commissaire de l’Union africaine pour l’Agriculture et le Développement rural, a souligné la capacité du continent à façonner les transformations mondiales plutôt que de simplement s’y adapter. « L’Afrique ne se contente pas de réagir aux changements ; elle les impulse », a-t-il déclaré, mettant en avant le potentiel africain en matière d’innovation agricole et de sécurité alimentaire.
L’un des sujets phares de ce sommet a été la réforme de l’architecture financière internationale. Camilla Brückner, Directrice du bureau du PNUD à Bruxelles, a tiré la sonnette d’alarme sur les Objectifs de Développement Durable (ODD), dont seulement 17 % sont en voie d’être atteints à l’échelle mondiale. Elle a plaidé pour des mécanismes innovants capables d’attirer des investissements durables et de garantir un accès fiable à l’énergie. La ministre égyptienne Dr. Rania Al-Mashat a, quant à elle, dénoncé les déséquilibres de gouvernance au sein des institutions financières internationales, où les pays en développement, bien que majoritaires en nombre, ne disposent que de 37 % des droits de vote au FMI.
Le concept de « Grand Bond Vert » a également occupé une place centrale dans les discussions. Cette triple transformation, articulée autour de la souveraineté agricole, de la transition énergétique et de l’industrialisation durable, a été présentée comme la voie à suivre pour le continent. L’ambassadeur Al-Moustapha Kouyaté, envoyé spécial du Président libérien, a partagé la vision de son pays pour atteindre l’autosuffisance agricole grâce à un fonds national associant agriculteurs locaux, investisseurs et ressources publiques.
Les relations Nord-Sud ont fait l’objet de débats animés, avec un appel général à un changement de paradigme. Papa Amadou Sarr, de l’Agence française de développement, a résumé cette nécessité en une formule choc : « L’Europe doit désormais changer de paradigme : investir, investir, investir ». Les représentants européens ont mis en avant l’initiative Global Gateway, un programme de 150 milliards d’euros destiné à financer des infrastructures via des partenariats public-privé innovants.
L’intelligence artificielle (IA) a également été au cœur des discussions sectorielles. Samson Itodo, membre du groupe de travail de l’UA sur l’IA, a partagé des exemples concrets d’application dans les domaines de la gouvernance, de la santé et de l’éducation. L’ambassadeur Bitenge Ndemo a insisté sur l’urgence pour l’Afrique d’accélérer son adoption de ces technologies pour ne pas rater le train de la révolution numérique.
En clôture du sommet, le Prix Africa Political Outlook a récompensé trois personnalités pour leur contribution exceptionnelle au progrès du continent : Myriam Dossou d’Almeida pour son travail sur la couverture santé, Dr. Rania Al-Mashat pour la promotion de la prospérité inclusive, et Jean-Yves Ollivier pour son rôle historique dans la médiation de conflits, notamment en République Démocratique du Congo.
Ce sommet a ainsi confirmé la place croissante de l’Afrique sur la scène internationale, tout en soulignant les défis qui restent à relever pour transformer ce potentiel en réalité tangible. Les discussions ont montré une volonté commune de dépasser les anciens schémas pour construire des relations plus équilibrées et des solutions adaptées aux réalités du XXIe siècle.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd