La mythologie grecque, avec ses récits édifiants, reste une source intarissable de sagesse. L’histoire d’Icare, avec ses ailes de cire qui fondaient au soleil, est une parabole tragique sur les dangers de l’hybris, cet excès de confiance en soi qui précipita la chute du jeune homme audacieux. Son père, Dédale, avait beau le mettre en garde contre l’arrogance et l’imprudence, la tentation du ciel illimité l’emporta jusqu’à sa perte inéluctable dans les flots amers.
Une autre saga moins connue, celle de Phaéton, fils mortel d’Hélios, le dieu du soleil, rappelle elle aussi les risques qu’encourt celui qui, dédaignant les limites de sa condition, aspire à empoigner les rênes réservées aux divinités. Phaéton, imprudent et têtu, voulut diriger le char solaire, sème chaos et ruines par son incapacité à maîtriser la puissance qui le dépassait largement. Une intrépidité punie par la foudre de Zeus, qui le foudroie sans pitié pour mettre fin au désastre.
Lorsqu’on observe l’entrée en scène des forces militaires de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) dans le bourbier de l’est de la République Démocratique du Congo, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec ces figures tragiques de la mythologie. Le 4 janvier, un communiqué de presse annonçait le déploiement, dès le 15 décembre précédent, d’une mission armée en appui au gouvernement congolais, dans l’objectif affiché de restaurer la paix et la sécurité dans la région.
Se basant sur le Pacte de Défense Mutuelle de 2003, qui ressemble au principe de défense collective de l’OTAN, la SADC lançait ses troupes sud-africaines, malawiennes et tanzaniennes dans une lutte a priori noble. Mais la complexité de la situation en RDC interpelle. Outre les quelque 200 groupes armés qui sévissent dans l’est, des Forces démocratiques alliées sèment le chaos en Ituri aux groupes Mai-Mai dans le Sud-Kivu, le défi est colossal. Se limiteraient-ils à combattre uniquement le M23, en accession du soupçon qui pèse ?
Or, selon le rapport du Groupe d’experts de l’ONU daté du 15 décembre 2023, la violence ne s’arrête pas à l’Est. Elle traverse toutes les provinces du pays, de Mai-Ndombe à l’ouest jusqu’à Kinshasa, laissant derrière elle des victimes civiles et des destructions incommensurables.
Dans le Nord-Kivu, le gouvernement lui-même est accusé de sponsoriser des milices armées, telles que les ‘Volontaires pour la défense de la Patrie (VDP)’, contribuant ainsi à l’exacerbation des tensions régionales. Des rapports font état d’un gouvernement en échec, d’une rhétorique belliqueuse envers les voisins, d’un refus de dialoguer dans l’optique de la paix et de traitements inhumains envers les forces de l’EAC.
La conviction de la SADC qu’elle peut, à elle seule, dompter le « tigre » congolais semble relever d’une même erreur fatale, comparable aux erreurs d’Icare et de Phaéton. L’arrogance de croire que l’on peut maîtriser l’incontrôlable, simplement parce qu’on s’en croit capable, pourrait mener à une issue tragique.
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