En pleine tension régionale, la visite du président bissau-guinéen Oumaro Sissoco à Kinshasa a insufflé un vent d’espoir diplomatique. Lors de sa brève mission de 48 heures en République Démocratique du Congo, le chef d’État a exhorté mardi Félix Tshisekedi et son homologue rwandais à privilégier « la voie de la paix ». Un plaidoyer intervenu après trois jours de consultations à Kigali, dans un contexte de violences récurrentes dans l’Est congolais.
Le Nord et le Sud-Kivu, théâtres de confrontations armées impliquant des groupes soutenus par Kigali selon l’ONU, cristallisent les fractures entre les deux voisins. Bien que revendiquant une posture non médiatrice, M. Sissoco a martelé devant la presse : « La RDC, par son poids géostratégique et ses ressources, doit être un pilier de développement continental ». Une analyse qui rejoint les ambitions africaines de libre-échange, régulièrement évoquées par Tshisekedi.
Cette prise de position intervient alors que la Guinée-Bissau cherche à renforcer ses liens économiques avec Kinshasa. « Nous avons des minerais inexploités et l’expertise congolaise nous intéresse », a souligné le dirigeant ouest-africain, évoquant également des potentialités halieutiques. Un rappel que les défis sécuritaires ne doivent pas éclipser les opportunités de coopération Sud-Sud.
En réponse, le président congolais a réaffirmé sa détermination à « ramener une paix véritable et définitive » sur le territoire national. Sans directement mentionner le Rwanda, il a fustigé « les tares que sont les invasions et déstabilisations de pays voisins », appelant à remplacer « les murs par des ponts entre nations africaines ». Des déclarations qui résonnent comme un appel à la normalisation des relations avec Kigali.
Mais au-delà des discours, quels leviers concrets pour apaiser les tensions ? Les observateurs régionaux soulignent le paradoxe d’une diplomatie congolaise multipliant les partenariats militaires (accords avec l’Est africain, déploiement de la SADC) tout en prônant le dialogue. « La crédibilité de Kinshasa passe par un équilibre entre fermeté sécuritaire et ouverture diplomatique », analyse un expert de l’Institut des Relations Internationales de la région des Grands Lacs.
La visite de Sissoco s’inscrit dans une séquence diplomatique cruciale pour la RDC. Alors que le pays prépare des élections générales, sa capacité à pacifier l’Est conditionne tant sa stabilité interne que son leadership continental. Le timing n’est pas anodin : certains y voient une tentative de relancer l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, qui prône l’intégration économique comme rempart aux conflits.
Reste que le chemin vers la réconciliation semble semé d’embûches. Les récentes accusations de Kinshasa sur un supposé soutien rwandais au M23 continuent d’envenimer les relations bilatérales. Pourtant, comme le note un diplomate sous couvert d’anonymat : « Aucune solution militaire ne sera durable sans inclusion des préoccupations sécuritaires légitimes de chaque partie ». Un équilibre délicat que devront trouver les acteurs régionaux et internationaux engagés dans ce dossier épineux.
Alors que l’Afrique vise l’opérationnalisation de sa zone de libre-échange continentale (ZLECAF) d’ici 2030, le cas congolais apparaît comme un test décisif. La capacité des États à transformer les rivalités en complémentarités économiques déterminera l’avenir de ce projet ambitieux. Dans ce contexte, chaque initiative pacificatrice, même symbolique comme celle de la Guinée-Bissau, contribue à dessiner les contours d’une nouvelle géopolitique africaine.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net