Les signatures successives à Doha et Washington n’ont pas éteint la poudrière de l’Est. Cinq jours après l’engagement de trêve entre Kinshasa et l’AFC/M23 sous médiation qatarie, les combats redoublent d’intensité au Nord et Sud-Kivu. Une escalade qui jette une ombre sur les récentes déclarations de paix.
Le Sud-Kivu subit depuis dimanche une avancée stratégique des rebelles. Le centre de Kaziba, dans le territoire de Walungu, est tombé après une offensive éclair contre les Wazalendo et les FARDC. Cette conquête ouvre aux insurgés la route des hauts plateaux de Minembwe, zone-clé où leurs alliés Twirwaneho-Gumino et Android étaient encerclés.
À Irhambi-Katana, la violence a atteint son paroxysme samedi. Des affrontements sanglants ont opposé miliciens locaux et combattants du M23, illustrant l’incapacité des accords à calmer les tensions. Les renforcements rebelles observés à Kabare et Kalehe dessinent une stratégie d’étouffement progressif.
Le Nord-Kivu n’échappe pas à cette dynamique conflictuelle. Si les positions de Kibati dans le Walikale ont été abandonnées, le Masisi reste un enfer. Vendredi, le secteur Osso Banyungu a tremblé sous les chocs entre l’APCLS et le M23. Une guerre d’usure qui mine toute perspective de stabilisation.
Comment expliquer cette persistance des combats malgré les déclarations diplomatiques ? Les analystes pointent deux failles majeures : l’absence de mécanisme de surveillance crédible et le manque criant de forces d’interposition. « Sans vérificateurs neutres sur le terrain, les engagements restent lettre morte », souligne une source sécuritaire sous couvert d’anonymat.
La Déclaration de principipes RDC-Rwanda signée à Washington ajoute une couche de complexité. Si Kigali et Kinshasa promettent de cesser tout soutien aux groupes armés, les mouvements de troupes aux frontières alimentent les suspicions. Les Wazalendo, acteurs-clés du conflit, ne sont d’ailleurs mentionnés dans aucun texte.
Cette situation crée un dangereux vide opérationnel. Les FARDC, étirées sur multiple fronts, peinent à contenir les offensives rebelles. Les populations civiles, prises en étau, fuient par milliers vers Goma et Bukavu. Le HCR signale déjà 12 000 nouveaux déplacés dans la seule région de Walungu.
Les enjeux géostratégiques dépassent désormais le cadre régional. Le Qatar, médiateur inédit dans la crise, voit son rôle testé par ces violations. Washington, artisan de l’accord RDC-Rwanda, surveille avec inquiétude les relents de guerre froide africaine. La communauté internationale parviendra-t-elle à imposer un cessez-le-feu vérifiable ?
Sur le terrain, les combattants donnent leur réponse à coups de kalachnikovs. À Minembwe, les positions conquises offrent au M23 un corridor vers les minerais stratégiques. Dans le Masisi, chaque colline prise devient monnaie d’échange pour de futures négociations. Une logique de fait accompli qui réduit la diplomatie à un théâtre d’ombres.
Avec chaque heure qui passe, les chances d’une trêve réelle s’amenuisent. Les bailleurs internationaux exigent des preuves d’apaisement, mais les canons, eux, n’ont pas de langue de bois. L’Est de la RDC vit désormais au rythme cruel des déclarations contradictoires : celles des chancelleries… et celles des armes.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net