La Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo a marqué l’actualité judiciaire ce mercredi 23 avril par des réquisitions sans précédent. Le procureur général a exigé 10 ans de travaux forcés et de servitude pénale à l’encontre de l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, dans le dossier emblématique du projet agro-industriel avorté de Bukanga-Lonzo. Une décision qui secoue les sphères politiques et économiques de la RDC, révélant un scandale financier estimé à 280 millions de dollars.
Un réquisitoire implacable pour « détournement systémique »
Selon les éléments du dossier, la Cour a suivi les conclusions accablantes de l’Inspection générale des finances (IGF). Les inspecteurs ont démontré que 83 % des fonds publics alloués au projet – présenté comme une solution à la sécurité alimentaire – ont été transférés vers des sociétés offshore, dont la sud-africaine AFRICOM. « Comment une holding sans expertise ni antécédents a-t-elle obtenu un contrat d’État sans appel d’offres ? », s’interrogent les magistrats dans leur rapport.
La responsabilité pyramidale de Matata Ponyo mise à nu
Malgré les arguments de la défense niant sa gestion directe des fonds, le procureur a souligné que « toutes les dépenses étaient soumises à l’aval exclusif du Premier ministre ». Les juges ont relevé que l’ancien chef du gouvernement avait contourné les procédures en excluant les ministres sectoriels. Seuls 34 millions USD sur les 280 millions engagés auraient effectivement servi au projet, selon l’IGF.
Une défense fragilisée par les absences répétées
Les trois prévenus, jugés par défaut, ont multiplié les arguments pour éviter la comparution. Matata Ponyo a invoqué une prétendue immunité parlementaire, rejetée par le président de la Cour constitutionnelle Dieudonné Kamuleta : « Aucun texte ne subordonne la justice aux délibérations de l’Assemblée nationale ». Les coaccusés Christo Grobler et Déogratias Mutombo ont respectivement argué de raisons sanitaires et de soins à l’étranger.
Les prochaines étapes d’un procès à haut risque politique
Alors que le verdict final est attendu le 14 mai, ce dossier cristallise les enjeux de lutte contre la corruption en RDC. L’expulsion requise contre le businessman sud-africain et l’inéligibilité de 10 ans visant Matata Ponyo pourraient créer un précédent dans les actualités politiques RDC. Reste à savoir si cette décision judiciaire survivra aux pressions institutionnelles dans un pays où séparation des pouvoirs reste un principe fragile.
Entre-temps, les observateurs s’interrogent : ce procès marquera-t-il un tournant dans le journalisme d’investigation RDC, ou ne sera-t-il qu’un épisode de plus dans les chroniques des scandales financiers congolais ? La réponse dépendra de l’exécution effective des peines… et de la transparence des prochaines étapes.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net