Une centaine d’étudiants congolais sont pris en étau dans Bukavu, épicentre d’une crise sécuritaire qui paralyse le Sud-Kivu depuis deux mois. Bloqués par le double blocus de la route nationale 5, ces jeunes fuyaient initialement l’offensive des rebelles M23/AFC soutenus par le Rwanda. Aujourd’hui, leur retour vers les universités de Goma et d’ailleurs s’avère impossible, les axes étant contrôlés à la fois par les insurgés et les groupes armés alliés aux FARDC.
« Nous sommes otages d’une guerre qui n’est pas la nôtre », dénonce Emmanuel Mulongo, étudiant à l’Université officielle de Bukavu, dans un témoignage audio diffusé ce dimanche. Son appel résonne comme un SOS aux autorités congolaises : « Comment poursuivre nos études quand les balles remplacent les cours en amphithéâtre ? »
La situation sécuritaire à Bukavu atteint un point critique depuis l’occupation rebelle du 14 avril 2025. Les institutions financières – banques et microfinances – gardent portes closes, créant une pénurie de liquidités qui fait flamber les prix sur les marchés locaux. Les dernières nouvelles de la société civile font état de pillages systématiques et d’un exode massif : 10 000 civils auraient trouvé refuge au Burundi voisin.
Sur le terrain militaire, la complexité des alliances trouble l’analyse. Les Wazalendo, miliciens congolais théoriquement alliés aux FARDC, et les troupes burundaises engagées dans le conflit verrouillent paradoxalement les issues avec les rebelles M23. Cette configuration inédite isole davantage la ville, transformant les étudiants en prisonniers géopolitiques.
Le gouvernement central reste sourd aux multiples alertes. Aucune opération d’évacuation n’a été enclenchée, aucun plan d’urgence académique annoncé. Pendant ce temps, les facultés de Bukavu peinent à maintenir leurs activités avec des salles de cours converties en abris de fortune.
Cette paralysie institutionnelle interroge : les autorités congolaises ont-elles les moyens de leurs ambitions sécuritaires ? La communauté internationale, souvent critiquée pour son silence sur les crises en RDC, observera-t-elle passivement cette nouvelle dégradation ?
En attendant, les étudiants développent des stratégies de survie. Certains tentent des chemins de traverse à travers la forêt équatoriale, au péril de leur vie. D’autres s’organisent en réseaux solidaires pour partager le peu de ressources disponibles. « Notre diplôme, c’est maintenant l’art de survivre », ironise amèrement un étudiant en économie contacté par nos sources.
La crise de Bukavu cristallise les défis multidimensionnels de la RDC : insécurité chronique, déficit de gouvernance, et vulnérabilité d’une jeunesse sacrifiée. Alors que les analyses politiques pointent du doigt les ingérences rwandaises, la population, elle, compte ses morts et ses rêves brisés.
Les dernières informations en temps réel font état d’une possible médiation régionale sous l’égide de la SADC. Mais sur le terrain, les armes continuent de tonner. Combien de temps encore ces étudiants devront-ils payer le prix d’un conflit qui dépasse les frontières ? La réponse semble se perdre dans l’écho des explosions qui secouent nuitamment la ville.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net