Alors que les dernières poches des combattants des Forces démocratiques alliées (ADF) se dispersent dans l’est de la République démocratique du Congo, un tournant stratégique se dessine. L’armée ougandaise (UPDF) envisagerait un retrait progressif de ses troupes positionnées à Lubero, dans le Nord-Kivu. Cette décision intervient dans un contexte où les rebelles, sous la pression des opérations conjointes FARDC-UPDF baptisées « Shujaa », fuient vers d’autres zones des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Mais ce retrait annoncé est-il prématuré ou s’inscrit-il dans une logique de redéploiement tactique ? Selon des sources militaires, les commandants des forces ougandaises et congolaises planchent sur un redéploiement des troupes vers les foyers de résistance des ADF. Objectif : empêcher tout regroupement de ces groupes armés, responsables de massacres répétés contre les civils. Une réunion cruciale s’est tenue fin mars à Bunia, chef-lieu de l’Ituri, entre le lieutenant-général Kayanja Muhanga, commandant des forces terrestres ougandaises, et le lieutenant-général Ychaligonza Nduru Jacques, numéro deux des opérations militaires congolaises. Les discussions ont abouti à plusieurs mesures, dont le renforcement de la sécurisation de l’axe Mahagi-Bunia, voie vitale pour les convois civils. Les deux armées appellent également les groupes armés locaux à se rallier au programme gouvernemental de désarmement (PDDRC-S), sous peine d’être « ciblés sans délai ». Reste que le défi opérationnel est de taille : l’immensité du théâtre des opérations, couvrant près de 300 km entre l’Ituri et le Nord-Kivu, exige des effectifs conséquents. Un dilemme pour Kampala, qui doit concilier présence militaire au Congo et contraintes logistiques. Cette évolution relance le débat sur l’efficacité des interventions étrangères contre l’enracinement des groupes armés dans l’est congolais. Alors que les ADF, affiliées à l’État islamique, adaptent leurs tactiques de survie, la coordination entre Kinshasa et ses partenaires régionaux reste un impératif. L’opération Shujaa, lancée fin 2021, a certes permis de reprendre des bastions rebelles, mais la persistance des attaques montre les limites d’une approche purement militaire. Entre enjeux sécuritaires et diplomatie de la paix, la stabilisation du Kivu et de l’Ituri passe aussi par un renforcement des mécanismes transfrontaliers et une réponse socio-économique aux racines des conflits.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd