Alors que la République Démocratique du Congo (RDC) se débat depuis des décennies avec une instabilité chronique, la création d’un nouveau mouvement politico-militaire, la Convention pour la Révolution Populaire (CRP), vient encore aggraver une situation déjà préoccupante en Ituri et au Nord-Kivu. Officiellement lancé par Thomas Lubanga, ancien condamné de la Cour pénale internationale (CPI), ce mouvement suscite des inquiétudes tant au niveau local que régional.
Lors d’un briefing au Conseil de sécurité des Nations unies, Bintou Keita, représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en RDC, a tiré la sonnette d’alarme. Selon elle, la CRP constitue une menace non seulement pour les civils, mais également pour la stabilité régionale. « En Ituri, parallèlement à la menace des ADF, les affrontements entre la CODECO et les groupes armés zaïrois se sont intensifiés. Ces groupes ont pris pour cible des civils à proximité des zones minières, des terres agricoles et des sites pour personnes déplacées. L’annonce par Thomas Lubanga de la création de la CRP ne fait qu’exacerber les risques », a-t-elle déclaré.
Ce mouvement se veut, selon son fondateur, un vecteur de changement pour un Congo en proie à de nombreux fléaux socio-politiques. Dans un communiqué publié cette semaine, Thomas Lubanga a dénoncé ce qu’il considère comme une « démission flagrante de l’État » dans ses fonctions régaliennes. Il a pointé du doigt des années de gouvernance marquées, selon lui, par le détournement de fonds publics, le tribalisme et la corruption systémique. La CRP prétend agir en réaction à l’état de siège imposé dans l’Ituri, qu’elle accuse de complicité dans la perpétuation de l’insécurité par la manipulation et le parrainage des groupes armés.
Rappelons que Thomas Lubanga n’est pas une figure inconnue sur l’échiquier politique et militaire congolais. Arrêté en 2006 sur mandat de la CPI pour crimes de guerre liés à la conscription et l’enrôlement d’enfants soldats, il a été condamné en 2012 à 14 ans de prison, dont seuls 8 furent effectivement purgés, avant d’être libéré en 2020. Après sa libération, Lubanga avait été intégré dans une Task force présidentielle visant à sensibiliser les populations de l’Ituri à la nécessité de la paix. Une initiative qui, malheureusement, n’a abouti à aucun résultat significatif.
Les objectifs affichés de la CRP, bien qu’ambitieux sur le papier, soulèvent des questions. Peut-on raisonnablement espérer qu’un mouvement dirigé par un ancien criminel de guerre vienne résoudre les problèmes qu’il accuse les autorités de ne pas avoir su régler ? Ou s’agit-il, comme le craignent certains analystes, d’une tentative déguisée pour asseoir une influence politique et militaire dans une région déjà exsangue ?
Pendant ce temps, les populations civiles continuent de payer un lourd tribut. Des milliers de morts, des centaines de milliers de déplacés s’entassant dans des camps de fortune, et un exode massif vers des pays voisins comme l’Ouganda témoignent des ravages des conflits armés dans cette région. La communauté internationale semble, elle aussi, impuissante face à l’escalade des violences.
L’émergence de la CRP ne fait que jeter une ombre supplémentaire sur l’avenir de l’Ituri et du Nord-Kivu. Pour les habitants de ces provinces, déjà pris en étau entre les affrontements de groupes armés comme les ADF, la CODECO et les forces zaïroises, la création de ce nouveau mouvement apparaît comme une étincelle supplémentaire dans un baril de poudre. La RDC est-elle capable de reprendre le contrôle de cette région ? Ou assisterons-nous à une nouvelle spirale d’insécurité dans des provinces pourtant riches en ressources naturelles, convoitées autant par des groupes locaux que par des acteurs étrangers ?
Une chose est certaine, l’Ituri et le Nord-Kivu continuent de cristalliser les fractures profondes d’une République qui peine à surmonter les blessures de son histoire récente.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd