La tragédie secoue à nouveau Beni, Nord-Kivu, après des incidents violents qui ont éclaté le mardi 25 mars. L’accompagnement du corps de l’artiste musicien engagé, Delphin Katembo Vinywasiki, alias Delcat Idengo, au cimetière de Kimbangu, a tourné au drame. Deux personnes ont été tuées par balle et plusieurs autres blessées dans des affrontements entre forces de l’ordre et militants. Cet épisode tragique met une fois de plus en exergue la tension omniprésente dans cette région où l’artiste avait bâti sa renommée avec des chansons critiques et révolutionnaires.
Delcat Idengo, connu pour son franc-parler et son combat artistique contre les antivaleurs et l’insécurité dans l’est du pays, s’était récemment évadé de la prison de Munzenze à Goma à la veille de l’entrée des rebelles de l’AFC/M23 dans la ville. Arrêté puis condamné à plusieurs reprises, il représentait pour beaucoup un symbole de résistance. Sa mort tragique, à Goma le 13 février dernier, a laissé un vide immense parmi ses partisans et sympathisants, mais aussi des interrogations quant à son sort en détention.
Les funérailles de Delcat Idengo à Beni étaient plus qu’une simple cérémonie. Avec des milliers de personnes rassemblées pour rendre hommage à cet artiste révolutionnaire, l’atmosphère s’est rapidement envenimée lorsque des militants s’en sont pris aux forces de l’ordre, accusant celles-ci d’être responsables de son arrestation et du climat d’insécurité. L’usage des projectiles par les manifestants a incontrôlablement escaladé les tensions, jusqu’à ce que des tirs de sommation émis par la police tuent deux personnes. Parmi elles, une femme dans l’exercice de ses fonctions près du cimetière de Kimbangu et un homme originaire de Butembo.
Des sources hospitalières de Beni confirment cette funeste issue, avec deux autres blessés admis dans une structure sanitaire. Shabani Loswire, du mouvement Lutte pour le Changement (LUCHA), condamne l’usage « disproportionné » de la force par la police nationale congolaise, appelant à un examen des pratiques sécuritaires dans cette région déjà fragilisée. Depuis l’arrivée du corps à Beni, ce sont cinq victimes civiles qui sont à déplorer, notamment trois mortes dans un accident de la circulation lors du retour de la dépouille depuis Oïcha.
Lors des obsèques, des leaders socio-politiques ont appelé la population à poursuivre le combat idéologique de l’artiste. « Honorer sa mémoire, c’est continuer sa lutte contre les antivaleurs et œuvrer pour la bonne gouvernance », déclarait un jeune militant lors de la cérémonie. En effet, certaines de ses œuvres plus récentes, y compris sa chanson “Bunduki” qui ciblait les groupes armés et le gouvernement lui-même, illustrent l’héritage d’un engagement sans relâche pour un Congo meilleur.
Alors que les circonstances troubles entourant sa mort alimentent de nouvelles critiques envers les autorités, ce triste enchaînement d’événements rappelle une fois de plus les défis structurels posés par l’instabilité persistante dans l’Est du pays. La population locale, témoin de ces tragédies répétées, continue de chercher des réponses et un espoir de stabilité durable.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd