Moins de 48 heures après la déclaration conjointe des présidents congolais et rwandais à Doha pour un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, la situation s’est brutalement détériorée dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Le territoire de Walikale, dans la province du Nord-Kivu, a basculé entre les mains du groupe armé M23, avec d’importantes pertes humaines civiles et militaires. Ce coup de force marque une avancée stratégique sans précédent du M23, provoquant des conséquences dramatiques sur la sécurité et l’économie locales.
La ville de Walikale, située à la croisée de deux axes routiers clés – l’un en provenance de Goma, l’autre de Bukavu – abrite 60 000 habitants. Mercredi soir, après des heures de violents combats, les forces de sécurité congolaises s’y sont retirées pour éviter davantage de pertes humaines, laissant le contrôle au M23. Cette percée inédite inquiète, faute de perspective immédiate pour stabiliser la région. Les témoignages locaux font état d’une occupation marquée par la présence visible des combattants du groupe armé dans toute la ville.
La région de Walikale, réputée pour ses richesses minérales, notamment le gisement d’étain de Bisie situé à une cinquantaine de kilomètres, fait face à un futur économique incertain. Déjà, mi-mars, la société Alphamin Mining avait suspendu ses activités et évacué son personnel pour des raisons de sécurité. La persistance de l’occupation armée entrave toute possibilité de reprise de l’extraction minière, un coup dur pour cette compagnie qui exploite la troisième plus grande mine d’étain au monde. Cette situation se répercute également à l’international : l’arrêt des opérations à Bisie a contribué à une hausse des cours mondiaux de l’étain, alimentant des craintes dans la chaîne d’approvisionnement de métaux stratégiques pour des industries comme l’électronique et le solaire.
Sur le terrain humanitaire, les inquiétudes ne cessent de croître. Selon Médecins Sans Frontières (MSF), les tirs croisés n’ont fait aucun blessé immédiat, mais l’organisation anticipe un afflux de blessés dans les jours à venir. Au-delà de ce constat, la population de Walikale, déjà traumatisée, fait face à une crise humanitaire exacerbée par la violence et l’instabilité prolongées.
Cette prise de Walikale par le M23 soulève par ailleurs des questions fondamentales. Pourquoi, alors que les efforts de paix semblent s’intensifier au niveau diplomatique, la réalité sur le terrain reste aussi implacable ? La rencontre de Doha sous médiation qatarie, qui avait renouvelé les engagements pour un cessez-le-feu entre Kinshasa et Kigali, n’a visiblement pas eu d’effet tangible. Ce décalage alimente la frustration des populations locales et ternit l’image des tentatives de résolution de l’Union Africaine et des autres instances internationales impliquées dans ce conflit complexe.
Le volet économique et les accusations mutuelles entre autorités congolaises et rwandaises aggravent encore la complexité de la situation. Kinshasa accuse Kigali de soutenir activement le M23 pour piller les ressources minières et agricoles incontournables de cette région frontalière riche et stratégique. Kigali, de son côté, rejette ces accusations et soutient que ses intentions se limitent à sécuriser la région contre des menaces transnationales.
Alors que les violences se poursuivent et que des centaines de milliers de Congolais ont déjà été déplacés par les conflits armés dans l’est du pays, une solution durable semble demeurer hors de portée. Les violences récurrentes dans l’est de la RDC sont un rappel tragique des enjeux de gouvernance, de sécurité et de développement qui secouent cette grande nation d’Afrique centrale depuis des décennies.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: mediacongo.net
