La Haute Cour militaire de la République démocratique du Congo a amorcé, jeudi 20 mars, un tournant décisif dans l’affaire qui oppose les hauts gradés des FARDC et de la Police nationale congolaise accusés de graves manquements dans la rébellion du M23. Dans une décision hautement symbolique, le tribunal a décrété un huis clos intégral pour les audiences du procès. Une mesure qui soulève autant d’interrogations qu’elle inspire de la prudence dans un dossier à forte sensibilité.
Cette décision fait suite à une requête déposée par la défense qui, soulignant la confidentialité des informations en jeu, a plaidé pour la discrétion maximale. L’arrêt de la Haute Cour interdit ainsi aux journalistes et aux membres des familles des prévenus d’assister aux audiences. L’objectif affiché : protéger des informations stratégiques susceptibles de compromettre les efforts militaires sur les fronts encore actifs.
Parmi les prévenus, le général-major Dieu-Gentil Alengbia et le commissaire divisionnaire adjoint Eddy Mukuna, tous deux figures majeures au sein de la 34ème région militaire et de la Police nationale congolaise, se retrouvent pointés du doigt. Les charges retenues incluent l’abandon des positions stratégiques de Goma et Bukavu face aux offensives du M23, laissant troupes, équipements et blessés en désarroi. Un geste dépeint comme un manquement grave à la discipline militaire, mettant en péril les opérations sur le terrain.
L’avocat de la défense, Me Bokolombe Tshitsha, a justifié la nécessité du huis clos : “Diffuser certaines informations qui relèvent du secret militaire pourrait impacter l’évolution des combats sur le terrain.” Selon lui, bien que l’affaire ait déjà bénéficié d’une couverture médiatique, certaines données restent ultrasensibles et requièrent une gestion prudente pour préserver la stratégie militaire.
Le procès, ouvert depuis le 13 mars à Kinshasa, est voué à devenir un exemple dans les rangs de l’armée congolaise. Le gouvernement, par le truchement du ministre de la Justice, le présente comme une tentative cruciale pour rétablir la discipline et la rigueur parmi les troupes des FARDC. Au-delà des accusations immédiates, ce procès pourrait également dévoiler des complicités internes qui, délibérément ou non, ont facilité les avancées du M23.
Dans un contexte où la sécurité reste une préoccupation majeure, cette affaire illustre les défis de la transparence et de la responsabilité au sommet des institutions militaires du pays. Le huis clos, loin de satisfaire une opinion publique avide de vérité, interpelle sur la nécessaire conciliation entre exigence judiciaire et exigences de sécurité nationale. Alors, à quel compromis aboutira ce procès âprement surveillé ? Pour l’instant, l’enjeu demeure de rendre une justice qui ne soit pas seulement punitive, mais aussi pédagogique, dans une armée qui cherche à retrouver son honneur.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net