La cité stratégique de Nyabiondo, située dans le territoire du Masisi, est tombée dimanche dernier aux mains des rebelles de l’AFC/M23, déclenchant une vague de déplacements massifs de population vers Kashebere, dans le Walikale. Cette localité du groupement Luberike, initialement peuplée de 40 000 habitants, est actuellement submergée par l’afflux continu de déplacés fuyant les violences entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les insurgés.
Ces déplacements forcés, amplifiés par l’insécurité croissante, concernent également des habitants des villages voisins tels que Kaanja et Busoro, situés à moins de 10 kilomètres de Kashebere. Mais selon une source coutumière locale, le décompte des nouveaux arrivants reste encore imprécis : « Fin janvier, on avait dénombré 14 535 déplacés dans le groupement Luberike. Depuis dimanche, plusieurs familles se sont réfugiées ici sans qu’on ait encore pu les recenser. » Face à cette urgence, les responsables locaux s’organisent pour gérer cet afflux. Le président du comité des déplacés prévoit un nouvel effort de recensement en collaboration avec les services de santé locaux, un travail qui promet d’être titanesque.
Sur le terrain militaire, la situation demeure incertaine. Selon plusieurs sources locales, aucun combat n’a été signalé depuis lundi sur l’axe Nyabiondo-Walikale. Mais derrière ce calme apparent, certains observateurs notent une possible « diversion » des rebelles visant à désorienter les forces loyalistes. Cette stratégie soulève des inquiétudes parmi les communautés locales déjà traumatisées.
La prise de Nyabiondo revêt une importance clé pour l’AFC/M23. Connue comme étant un bastion historique de l’APCLS (Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain), dirigée par Janvier Karairi, cette localité représente une avancée stratégique pour les rebelles. Nyabiondo est également située à proximité de Kashebere, considéré comme la porte d’entrée vers Walikale, un point névralgique reliant les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu, Maniema et Tshopo via la Route nationale 3 (RN3). Le contrôle de cet axe ouvre des opportunités économiques et logistiques cruciales pour les groupes armés opérant dans la région.
Alors que les autorités provinciales et nationales peinent à réagir face à ce défi sécuritaire, les populations locales continuent de payer le lourd tribut des violences prolongées. L’absence de combats actifs n’offre aucune garantie de stabilité pour les jours à venir, et la panique reste palpable parmi les déplacés et les habitants des zones environnantes.
Cette situation souligne une fois de plus les défaillances structurelles dans la gestion des crises humanitaires et sécuritaires dans l’est de la République démocratique du Congo, où la présence de l’État reste souvent limitée à des actions sporadiques. La prise de Nyabiondo par l’AFC/M23 rouvre également l’épineuse question de l’influence régionale des groupes armés et de leurs implications dans les réseaux économiques transfrontaliers, des problématiques qui continueront à tester la résilience de cette partie du pays.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd