Après près de cinq jours sous le joug des rebelles du M23, la localité stratégique de Kasugho, située au pied de la réserve des gorilles de Tayna dans le Nord-Kivu, a retrouvé un semblant de répit. Ce vendredi 7 mars, les habitants ont découvert que les forces rebelles, soutenues par l’armée rwandaise, avaient quitté la région sans livrer de combat, se dirigeant vers Bunyatenge. Ce retour au calme, cependant, révèle de lourdes séquelles.
Le départ surprise des rebelles n’a pas permis d’éviter le chaos. Selon des témoignages recueillis auprès d’habitants locaux, des scènes de pillages se sont déroulées avant leur retrait. Des boutiques, ainsi que la radio communautaire Tayna, ont été vandalisées. “Le matin, les habitants ont constaté que les rebelles n’étaient plus là, mais ils ont laissé derrière eux un spectacle désolant de pillages sans précédent”, raconte un témoin qui a insisté sur son anonymat. La population locale, déjà fragilisée par la situation sécuritaire, subit de plein fouet ces pertes.
Dans leur retrait, les rebelles ont traversé une zone hautement stratégique : Bunyatenge, une région riche en mines d’or, mais également théâtre de tensions entre différentes factions armées. Il s’agit notamment d’un territoire proche du fief des miliciens Wazalendo, actifs dans la région et soutien important du gouvernement congolais. Cette direction soulève des spéculations quant aux vraies raisons de cette manœuvre. Plusieurs observateurs relient cet acte à une potentielle réorganisation tactique ou à des pressions exercées par des forces extérieures, notamment l’Ouganda. Ce dernier aurait exigé un repli des positions rebelles pour s’étendre sur l’axe Kasugho-Lubero. Le fils du président ougandais, le général Muhoozi Kainerugaba, avait publiquement mentionné cette nécessité stratégique de reculer les lignes du M23 pour ouvrir la voie à l’influence ougandaise.
Cependant, en l’absence de forces UPDF dans la localité – lesquelles seraient encore stationnées à Kagheri, selon le fonctionnaire local Paluku Kuliumbwa –, ce sont les milices Wazalendo qui ont repris le contrôle de Kasugho. Ces groupes armés, alliés au pouvoir de Kinshasa, ont immédiatement réagi à l’éventuelle présence résiduelle d’éléments du M23. Un individu armé et en état d’ivresse, supposé appartenir aux rebelles, a été abattu sur place.
La situation reste volatile et confuse quant à la véritable instabilité qui frappe Kasugho. Si, pour certains, le retrait s’apparente à une concession forcée, pour d’autres, il préfigure un repositionnement stratégique des rebelles M23. En attendant un déploiement officiel et coordonné de l’armée congolaise ou ougandaise, les habitants oscillent entre espoir et incertitude. Cette région du Nord-Kivu, naguère paisible grâce à ses ressources naturelles et son écosystème unique, est aujourd’hui au cœur d’une lutte pour le contrôle territorial et économique.
Les prochains jours seront déterminants pour comprendre les motivations du retrait et évaluer l’avenir de cette localité frappée par les conflits. En attendant, la population continue de faire les frais d’un conflit où les intérêts politiques et économiques des acteurs en présence semblent dicter la feuille de route.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
