Le tribunal de grande instance de Bukavu vient de rendre un verdict d’ampleur sans précédent : 212 militaires ont été condamnés à la peine capitale pour une série de crimes effroyables, notamment des meurtres, des viols et des tentatives de meurtre. S’ajoute à cela le grief de fuite devant l’ennemi, lors de l’offensive du groupe rebelle M23 qui a ravagé plusieurs localités du Sud-Kivu. Ce verdict, qualifié par la société civile comme un avertissement symbolique, inclut également une amende de plus de 200 000 USD qui devra être versée aux victimes. En revanche, 70 autres soldats inculpés ont bénéficié d’un non-lieu.
Ce procès, mené de manière accélérée, intervient dans un contexte de tensions extrêmes, alors que les insurgés du M23 ont réussi à prendre le contrôle stratégique de l’aéroport de Kavumu à une trentaine de kilomètres de Bukavu, exacerbé par la peur d’une avancée vers la ville. Ces exactions ayant eu lieu entre les 6 et 8 février dans les villages de Kalehe, Kabare et Walungu, avaient été vivement dénoncées par la société civile. Cette victoire judiciaire, bien qu’importante, laisse un goût amer dans une région où l’instabilité chronique et l’insécurité règnent en maîtres absolus.
Si ce procès symbolise une tentative de restaurer une certaine discipline au sein des rangs de l’armée congolaise, il met également en lumière les conséquences tragiques de l’insécurité constante qui secoue le Sud-Kivu. Les rebelles ont non seulement semé la terreur, mais leur arrivée à Bukavu a provoqué une onde de choc, y compris au sein des structures judiciaires. Les juges militaires chargés de l’affaire ont été contraints de fuir face à cette menace imminente, et deux d’entre eux auraient été exécutés à Uvira par des assaillants encore non identifiés.
La société civile et les parties civiles saluent néanmoins cette décision du tribunal comme une première étape vers la fin de l’impunité pour les militaires coupables d’exactions contre la population civile. Mais la question brûlante demeure : cette condamnation suffira-t-elle à dissuader d’autres dérapages ? La sécurité en République Démocratique du Congo reste plus que jamais fragile, et les autorités peinent encore à répondre de manière durable aux défis sécuritaires imposés par les rébellions armées et leurs propres failles internes.
Ce procès emblématique souligne également la nécessité pour les forces armées congolaises de regagner la confiance des populations qu’elles sont censées protéger, afin de restaurer une véritable autorité et discipline qui font actuellement cruellement défaut. Jusqu’alors, la République Démocratique du Congo peine à surmonter ces crises profondes, avec une justice certes dynamique, mais encore entravée par un environnement d’insécurité permanent.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd