Le jeudi 13 février restera gravé dans les mémoires des habitants de Beni et au-delà. L’artiste chantre révolutionnaire Delphin Katembo, alias Idengo, une voix majeure de la critique sociale et politique en République démocratique du Congo (RDC), a tragiquement perdu la vie. Selon les premières informations, il aurait été abattu dans des circonstances floues. Ce drame soulève des interrogations sur l’état de la liberté d’expression et les risques encourus par les figures qui contestent le statu quo.
Idengo n’était pas seulement un musicien ; il était un symbole. Ses chansons résonnaient comme un cri de révolte contre l’injustice et l’insécurité chronique affectant l’est de la RDC. Le mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha), fervent dans sa défense des libertés, a immédiatement dénoncé ce meurtre comme une attaque contre les voix critiques dans le pays. « Pour ses chansons révolutionnaires, Tshisekedi l’a emprisonné, le M23-RDF l’a abattu froidement […] Une double menace pour les voix libres », a-t-on lu sur leur compte X.
La nouvelle de sa mort a déclenché une vague d’émotion et des manifestations spontanées dans la ville de Beni. Des jeunes, bandeaux rouges au front et armés de bâtons, ont paralysé pendant plusieurs heures les activités économiques de la ville. Motos rugissantes, commerces fermés de force : la colère gronde dans cette région où Idengo était perçu comme la voix des sans-voix. Les manifestants réclament désormais le rapatriement de sa dépouille pour des funérailles à la hauteur de l’homme qu’il était.
Engagé jusqu’à son dernier souffle, Idengo avait repris le micro pour dénoncer non seulement les autorités en place, mais aussi les groupes armés qui sèment la terreur dans l’Est de la RDC. Sa dernière œuvre, la chanson “Bunduki” (“arme” en swahili), dévoilée la veille de son assassinat, critiquait ouvertement les exactions des rebelles du M23, actuellement présents à Goma sous soutien présumé du Rwanda. Une position qui, selon plusieurs observateurs, pourrait avoir précipité sa fin tragique.
La mort d’Idengo ne serait pas un acte isolé. Depuis la prise de Goma par le M23/AFC, les acteurs de la société civile, les journalistes et les mouvements citoyens comme la Lucha sont sous les feux croisés des menaces. Un cadre identifié des rebelles, Jean-Louis Kulu, aurait récemment promis des représailles sévères contre ceux qui se risqueraient à prendre la parole. La tension est à son comble, alimentée par ce meurtre qui illustre une nouvelle fois un climat de peur pesant sur la liberté d’expression et les voix dissonantes.
La RDC se trouve à une croisée des chemins : pourra-t-elle garantir la protection de ceux qui osent dénoncer, au prix souvent de leur vie ? L’assassinat de Delphin Katembo alias Idengo rappelle de façon brutale l’urgence de mieux protéger les artisans de la liberté dans un pays où l’insécurité gagne chaque jour du terrain.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd