Les États-Unis viennent de franchir un pas décisif dans leur quête de justice pour le double meurtre des experts de l’ONU, Michael J. Sharp et Zaida Catalán, assassinés en 2017 dans le cadre de leurs investigations en République Démocratique du Congo (RDC). Le Département d’État américain a mis en place un programme de récompense offrant jusqu’à 5 millions de dollars pour toute information conduisant à l’arrestation de quatre suspects clés : Evariste Ilunga Lumu, Mérovée Mutombo, Gérard Kabongo, et Jean Kutenelu Badibanga. Ces derniers sont accusés d’avoir joué un rôle essentiel dans cette tragédie, qui avait choqué le monde entier.
Ces experts, un Américain et une Suédoise, enquêtaient sur des violations des droits humains liées à l’insurrection Kamwina Nsapu dans la province du Kasaï. Leur mort, survenue dans des conditions atroces, avait fait l’objet d’une condamnation internationale massive. En mars 2017, leurs corps avaient été retrouvés, et celui de Zaida Catalán avait même été décapité, un acte qui pourrait porter une signification rituelle. Cet épisode sanglant a mis en lumière les dangers encourus par les membres des missions onusiennes dans ces zones en proie à des conflits.
Le Global Criminal Justice Rewards Program (GCJRP) vise non seulement à encourager la collaboration internationale mais également à ramener les suspects en fuite devant la justice. Parmi eux, Evariste Ilunga Lumu, alias « Beau-Gars », dont l’évasion en 2022 a compliqué davantage l’enquête. Ce dernier, qui avait livré un témoignage accablant en 2018 devant un tribunal militaire congolais, avait évoqué l’implication présumée d’autres miliciens ainsi que d’éventuels responsables à des niveaux plus élevés dans la hiérarchie. Un témoignage qui avait alimenté les spéculations sur des complicités au sommet, sans pour autant aboutir à des conclusions définitives.
En 2022, un tribunal militaire en RDC avait condamné 49 personnes à la peine capitale, dont 22 par contumace, pour ce double assassinat. Cependant, de nombreux observateurs, y compris Human Rights Watch et le gouvernement suédois, ont appelé à de nouvelles enquêtes indépendantes pour répondre aux zones d’ombre persistantes dans cette affaire. On s’interroge encore aujourd’hui : quels sont les vrais commanditaires de ce crime odieux contre ces représentants du droit international ? Et pourquoi la traque des principaux suspects reste-t-elle si fragile ?
La récompense annoncée vient aussi répondre aux critiques sur les lacunes du système judiciaire dans les enquêtes liées à ce dossier emblématique. Le général Timothée Munkutu, alors auditeur général des FARDC, avait déjà souligné l’impact de l’évasion des suspects mais réitéré l’engagement des autorités congolaises à poursuivre leur quête de vérité et de justice. Cela suffira-t-il à restaurer la confiance dans la capacité de la RDC et de la communauté internationale à protéger les droits humains et à honorer la mission des Nations Unies ?
La balle est désormais dans le camp de ceux qui détiennent les clés de l’information. Avec cette initiative, les États-Unis espèrent non seulement raviver l’attention internationale mais aussi rapprocher la justice de l’un des points les plus sombres de l’histoire récente de la RDC.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd