Dans un contexte de crise sécuritaire et de désengagement des bailleurs internationaux, l’Observatoire de la dépense publique (ODEP) secoue la scène politique congolaise avec un plaidoyer-choc pour une cure d’austérité sans précédent. Les propositions, aussi radicales que symboliques, interrogent la capacité de la classe dirigeante à sacrifier ses privilèges sur l’autel de l’intérêt général.
Florimond Muteba Tshitenge, président du conseil d’administration de l’ODEP, frappe fort avec une étude qui fait office de bréviaire de rigueur budgétaire. « Le salaire net du chef de l’État devrait être plafonné à 5.000 dollars mensuels », assène-t-il, jetant un pavé dans la mare des rémunérations opaques. Cette proposition, calquée sur les standards chinois ou français, représenterait une division par dix du traitement actuel du locataire du Palais de la Nation.
Le think tank congolais vise particulièrement la liste civile présidentielle, ce budget jugé « pharaonique » de 12 millions de dollars annuels. La recommandation d’une réduction à 2,4 millions de dollars s’apparente à une révolution culturelle dans un pays où le faste étatique contraste avec la paupérisation croissante. « Il s’agit de réorienter les ressources vers des priorités nationales », justifie Muteba, dans une allusion à peine voilée aux dépenses de souveraineté négligées.
La refonte proposée toucherait l’architecture même du pouvoir. Un cabinet présidentiel resserré, six collèges spécialisés remplaçant la pléthore actuelle de conseillers, et la suppression du complexe agricole de Kaniama-Kasese : autant de mesures qui dessinent les contours d’une présidence frugale. Sur le plan gouvernemental, l’ODEP prône un ministériat décimé – pas plus de dix portefeuilles – pour aligner l’appareil d’État sur les réalités économiques du pays.
Ces propositions surviennent alors que l’USAID a réduit de 18% son aide à la RDC en 2024, selon les données du FMI. Le rapport note avec inquiétude que « les dépenses sécuritaires absorbent 35% du budget national » tandis que « seulement 8% sont alloués à l’agriculture et 12% à la santé ». Un déséquilibre qui, selon l’ODEP, menace la stabilité économique du pays.
Mais comment concilier austérité et maintien des équilibres politiques ? La question taraude les observateurs alors que le gouvernement tente de juguler l’inflation à deux chiffres. Les récentes émeutes de la faim à Kinshasa et Lubumbashi rappellent l’urgence sociale, pendant que Goma reste sous la menace des groupes armés. Dans ce contexte explosif, l’ODEP mise sur un électrochoc moral : « La survie économique passe par un État sobre », martèle son président.
Reste à savoir si ce cri d’alarme sera entendu. Les réformes proposées nécessiteraient une révision constitutionnelle – véritable parcours du combattant dans le paysage politique congolais. Le spectre d’une grève des appareils d’État, habitués à des prébendes généreuses, plane sur ce débat. Entre nécessité économique et résistances corporatistes, la partie semble loin d’être gagnée pour les partisans de la rigueur.
Alors que le gouvernement promet un plan de relance d’ici juin 2025, l’étude de l’ODEP pose une question cruciale : jusqu’où ira le courage politique des dirigeants congolais face à l’urgence financière ? La balle est désormais dans le camp du Parlement et de la Présidence, sommés de choisir entre survie institutionnelle et intérêts catégoriels.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net