Kinshasa, ce vendredi 25 avril 2025, a vu se déployer un cérémonial empreint de solennité à la cathédrale Notre-Dame du Congo. La présence de la Première ministre Judith Suminwa lors de la messe d’action de grâce en hommage au Pape François dépassait le simple geste protocolaire. Dans un contexte où les actualités politiques RDC sont marquées par des tensions socio-économiques persistantes, cette apparition revêt une dimension symbolique à décrypter.
Le choix du lieu – épicentre spirituel de la capitale – et la présence conjointe du Nonce apostolique Mgr Mitja Leskovar et de diplomates internationaux dessinent une géopolitique des apparences. La cheffe du gouvernement, se réclamant d’une ferveur catholique affichée, semble jouer une partition subtile entre dévotion personnelle et calcul stratégique. Son hommage au « bâtisseur de paix », prononcé devant les représentants du Saint-Siège, résonne comme un plaidoyer indirect pour une légitimité politique en quête d’ancrage moral.
Reste à savoir si cette mise en scène liturgique parvient à masquer les défis brûlants du moment. Le décès du souverain pontife intervient dans une période cruciale pour le gouvernement congolais, tiraillé entre les pressions sur l’exploitation des ressources naturelles RDC et les attentes sociales exacerbées. Le Pape François, par ses prises de position historiques contre le « pillage systémique » du continent, avait érigé la cause congolaise en étendard de sa diplomatie vaticane. Sa disparition ouvre-t-elle un vide que Kinshasa chercherait à combler par des alliances renouvelées ?
La décision du cardinal Ambongo d’instaurer neuf jours de deuil national révèle l’imbrication complexe entre sphère religieuse et pouvoir étatique. Ces obsèques grandeur nature, relayées par toutes les médias RDC, s’apparentent à un baromètre de l’influence de l’Église catholique – acteur-clé dans un pays où 40% de la population se dit catholique. Un rapport de force silencieux se joue ici entre les ors des autels et les arcanes du Palais de la Nation.
Derrière les encensoirs et les prières, se profile une question cruciale : jusqu’à quel point la classe politique congolaise instrumentalise-t-elle le capital symbolique de la papauté ? La Première ministre, en endossant le rôle de l’officiante laïque, tente visiblement de canaliser l’émotion populaire tout en consolidant son image de dirigeante pieuse. Une stratégie risquée dans un pays où le souvenir des manipulations politico-religieuses reste vivace.
Les prochains jours diront si cet hommage unanime au défunt pontife saura transcender les clivages. Alors que le Vatican prépare la succession, Kinshasa guette : la nouvelle orientation du Saint-Siège sur des dossiers sensibles comme les conflits miniers dans le Kivu pourrait redessiner les équilibres diplomatiques. Entre enjeux économiques RDC et realpolitik ecclésiale, Judith Suminwa devra naviguer avec une prudence de funambule. Le deuil national décrété par l’Église congolaise marque-t-il le début d’une recomposition des alliances entre pouvoir temporel et spirituel ? La réponse se niche peut-être dans le silence éloquent des chancelleries étrangères présentes à la cérémonie.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: primature.grouv.cd
