Dans un contexte de tensions historiques cristallisées autour des richesses du Kivu, la signature de la « Déclaration de Principes » entre Kinshasa et Kigali, sous parrainage américain, suscite un mélange d’espoirs prudents et de scepticisme nourri par les échecs passés. Un ballet diplomatique orchestré à Washington DC le 25 avril 2025, où les ombres de l’histoire planent encore sur les promesses d’apaisement.
Une feuille de route sous haute surveillance régionale
La MONUSCO, acteur incontournable dans ce jeu d’échecs géopolitique, salue l’engagement des deux nations à soutenir son mandat de protection des civils. La référence à la résolution 2773 du Conseil de sécurité sonne comme un rappel discret : la communauté internationale garde un œil sur l’application réelle de ces principes. Bruno Lemarquis, chef par intérim de la mission onusienne, parle d’« ouverture de voie » vers une coopération renforcée. Mais entre les lignes, la prudence demeure : les « efforts antérieurs » évoqués ne sont-ils pas ceux-là mêmes qui ont buté sur les réalités du terrain ?
Les fantômes de Luanda et les nouveaux serments
Le texte s’inscrit dans la continuité du processus de Luanda, cette initiative angolaise qui avait déjà tenté de désamorcer les conflits frontaliers. La mention de l’Union africaine et du médiateur João Lourenço n’est pas anodine : elle souligne une réappropriation progressive des dossiers sécuritaires par les acteurs continentaux. Les principes affichés – souveraineté, intégrité territoriale, non-ingérence – ressemblent à s’y méprendre à ceux des déclarations précédentes. La nouveauté résiderait-elle dans l’engagement à « lutter conjointement » contre les groupes armés ? Un vœu pieux dans une région où la porosité des frontières alimente depuis des décennies les milices locales.
L’épineuse question de l’intégration économique
L’ambition affichée d’un « cadre d’intégration économique régionale transparent » interroge. Les experts en géopolitique rappellent que les contentieux miniers – notamment autour du coltan – constituent autant de bombes à retardement. Comment concilier coopération économique et concurrence pour les ressources stratégiques ? Le paragraphe sur le développement durable des Grands Lacs prend ici des allures de test décisif pour les deux gouvernements.
Les défis opérationnels : du papier à la réalité
La MONUSCO se félicite de la volonté des signataires de faciliter son action. Reste à savoir comment cet engagement se traduira face aux FARDC dans l’Est congolais, ou face aux accusations récurrentes de soutien rwandais au M23. Le diable se cache souvent dans les détails opérationnels : mécanismes de vérification, échanges de renseignements, coordination militaire… Autant de dossiers brûlants absents du texte public.
Conclusion : Un pari à haut risque politique
Ce document marque-t-il un tournant ou simplement une nouvelle étape dans le cycle éternel des déclarations sans suite ? Les prochains mois apporteront une réponse cruelle. La crédibilité du président congolais face à sa base électorale nationaliste, comme celle de Paul Kagame sur la scène internationale, se joueront dans l’implémentation concrète. Entre Realpolitik et nécessités de pacification, la « Déclaration de Washington » devra surmonter un héritage lourd : vingt ans de processus de paix avortés, d’accords violés, et de populations civiles prises en étau.
Alors que les actualités RDC continuent de faire la une avec les tensions persistantes à l’Est, ce nouvel épisode diplomatique pourrait-il réellement influencer la politique RDC et rwandaise ? L’analyse des prochaines décisions gouvernementales en matière de sécurité et de coopération transfrontalière apportera des éléments de réponse décisifs pour la stabilité régionale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
