Dans une course contre la montre pour sécuriser l’économie du Grand Nord, la MONUSCO a franchi une étape décisive ce vendredi 25 avril. Le premier lot de matériel destiné à la réhabilitation du pont Semuliki, véritable artère vitale reliant Kasindi-Lubiriha à Beni et Butembo, a été officiellement remis à l’Office des routes. Une intervention d’urgence alors que cette infrastructure clé, fissurée et menaçant rupture, supporte 75% du flux commercial transfrontalier selon les données de la FEC.
Le pont Acrow de 35 mètres, dont les conteneurs livrés contiennent l’ensemble des composants techniques, représente un investissement stratégique. « Sa capacité portante de 25 tonnes permettra de relancer le trafic des poids lourds actuellement paralysé », précise Nana Ombeni Kambale, expert technique de la MONUSCO. Les douze conteneurs attendus – dont un déjà opérationnel – contiendront un système modulaire répondant aux normes antisismiques, crucial dans cette zone à risque.
Cette opération arrive à point nommé : depuis quinze jours, la restriction aux véhicules de moins de 20 tonnes avait déjà provoqué une flambée de 40% sur le prix du carburant selon les relevés du marché central de Beni. « Le rétablissement complet du pont éviterait une crise des produits de première nécessité pour 1,2 million de personnes », alerte Dieudonné Okunji de l’Office des routes.
Mais au-delà de l’urgence technique, cet épisode révèle les failles structurelles du réseau routier congolais. Le Semuliki, construit en 1987 pour supporter 500 véhicules/jour, en subit aujourd’hui près de 2 300 – un stress infrastructurel symptomatique des défis logistiques de la RDC. La MONUSCO table sur une durée de travaux record de six semaines grâce à sa technologie modulaire, contre six mois pour une reconstruction traditionnelle.
Reste à gérer l’impact économique immédiat. Cléophas Paluku Kahongya de la FEC met en garde : « Les opérateurs doivent résister à la tentation de spéculation. Le carburant et les denrées alimentaires doivent retrouver leurs prix stables d’ici quinze jours ». Un défi de taille alors que les stocks actuels ne couvrent que trois semaines de consommation selon les grossistes locaux.
Cette crise ponctuelle pourrait paradoxalement amorcer une modernisation durable. Le nouveau pont Acrow, conçu pour durer trente ans, intègre des capteurs de surveillance en temps réel – une première dans la région. Une innovation qui positionne le Nord-Kivu comme laboratoire des infrastructures intelligentes en RDC. Reste à voir si cette intervention deviendra un modèle réplicable pour les 142 ponts jugés « à risque critique » par le dernier rapport du ministère des Transports.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net