Dans les artères congestionnées de l’ancienne Kinshasa, chaque matin ressemble à un combat sans merci. Les klaxons stridents se mêlent aux soupirs d’exaspération, tandis que des milliers de véhicules s’enlisent dans un chaos routier devenu chronique. Le témoignage d’un parent d’élève de l’École belge, bloqué près de quatre heures entre Binza Météo et l’avenue du Révérend Kim, illustre une réalité qui dépasse l’entendement. « Comment une capitale peut-elle fonctionner sans mobilité ? », s’interroge-t-il, voix tremblante de colère. Son enfant a déjà manqué deux cours, sacrifiés sur l’autel des embouteillages.
Ce cas isolé ? Loin de là. Des commerçants de Matonge aux fonctionnaires de la Gombe, la paralysie circulatoire gruge jusqu’à six heures productives par jour. L’économie RDC en paie le prix fort : retard des camions de marchandises, absentéisme au travail, surcoûts de transport répercutés sur les denrées de base. « Le temps perdu dans les bouchons équivaut à un mois de travail gaspillé chaque année », calcule un économiste contacté par nos soins.
Les causes ? Un cocktail explosif. D’abord, un parc automobile vieillissant – 80% des véhicules ont plus de 15 ans – qui s’engouffre dans des voiries non adaptées. Ensuite, l’absence criante de transports en commun structurés : seuls 12% des Kinois utilisent des bus officiels. Enfin, l’anarchie totale : motos-taxis zigzaguant, policiers contournés par des conducteurs prêts à graisser la patte… « La discipline routière ? Un concept étranger ici », lâche amèrement un agent de la police de circulation, sous couvert d’anonymat.
Les conséquences sociales sont tout aussi alarmantes. Stress permanent, retards scolaires chroniques, conflits familiaux : la santé RDC mentale des habitants se détériore à vue d’œil. « Mon mari et moi nous disputons chaque matin à cause des retards », confie une enseignante croisée au niveau du boulevard Lumumba. Pire : les urgences médicales se transforment parfois en drames évitables, les ambulances prisonnières du même étau.
Face à ce désastre, les solutions existent-elles ? Le Plan de Mobilité Urbaine 2022-2030 promet un métro et des couloirs réservés. Mais sur le terrain, les chantiers tardent. « Les discours politiques RDC ne remplissent pas les nids-de-poule », ironise un habitant de Bandalungwa. Entre-temps, des initiatives citoyennes émergent : covoiturage spontané, recours aux vélos électriques… Preuves que Kinshasa tente de s’adapter, malgré l’inaction des décideurs.
Cette crise pose une question fondamentale : jusqu’où une métropole peut-elle étouffer avant de craquer ? Alors que les prévisions annoncent une population de 20 millions d’habitants d’ici 2030, l’urgence exige plus que des promesses. Car derrière chaque klaxon, chaque retard scolaire, chaque respiration coupée dans les gaz d’échappement, c’est l’avenir de toute une génération qui se joue.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net