Le Kasaï-Oriental replonge dans les turbulences institutionnelles, révélant une fois de plus les fractures entre exécutif provincial et assemblée délibérante. Le report sine die de la plénière du 21 avril, censée examiner le rapport explosif sur la gestion du gouvernement provincial, jette une lumière crue sur les « jeux d’ombres » qui entourent l’utilisation des trois millions de dollars alloués par Kinshasa. Une somme qui devait, en théorie, soulager une province asphyxiée par le manque d’eau, d’électricité et l’effondrement de ses infrastructures agricoles.
Le télégramme urgent du ministre de l’Intérieur, convoquant à la capitale tant le gouverneur Jean-Paul Mbwebwa Kapo que le bureau de l’assemblée provinciale, interroge. S’agit-il d’une tentative d’apaisement… ou d’un coup d’arrêt stratégique à un contrôle jugé trop intrusif ? « Quand Kinshasa joue les pompiers-volontaires, c’est souvent que l’incendie menace ses propres intérêts », glisse un observateur politique sous couvert d’anonymat.
Cette crise survient dans un contexte social explosif. La récente manifestation à Mbuji-Mayi, où des habitants ont réclamé l’accès à l’eau potable, rappelle que le Kasaï-Oriental vit au rythme des paradoxes : riche en diamants mais pauvre en services de base, grenier agricole potentiel mais enchaîné par des routes impraticables. La grogne des employés de la MIBA et de la SACIM, deux piliers économiques de la région, ajoute une couche inflammable à ce tableau déjà sombre.
L’enjeu dépasse la simple querelle de procédure parlementaire. Le contrôle des trois millions de dollars pose une question plus fondamentale : comment des institutions provinciales, régulièrement accusées de clientélisme, peuvent-elles auditer leur propre gestion sans garantie d’indépendance ? « Ce rapport est un miroir qui risque de renvoyer une image trop fidèle de nos dysfonctionnements », admet un député provincial, requérant la confidentialité.
Au-delà des chiffres, c’est la crédibilité du modèle de décentralisation congolais qui se joue dans cette affaire. Le pouvoir central, en injectant des fonds sans mécanismes de transparence renforcés, a-t-il involontairement alimenté le cycle des suspicions ? Les récentes actualités politiques RDC montrent que chaque transfert de compétences s’accompagne de nouvelles zones d’ombre.
La suite des événements dépendra largement des arbitrages kinois. Kinshasa saura-t-elle transformer cette crise en opportunité pour instaurer un vrai contrôle citoyen sur les finances provinciales ? Ou privilégiera-t-elle, une fois encore, les équilibres politico-clientélistes au détriment de la redevabilité ? La convocation expresse des responsables provinciaux laisse planer le doute : et si le véritable audit devait commencer… dans les couloirs du ministère de l’Intérieur ?
Dans cette région marquée par l’instabilité socio-économique, chaque retard dans la transparence alimente le ressentiment populaire. Les prochains jours seront décisifs pour le gouverneur Kapo, dont la marge de manœuvre se réduit comme peau de chagrin. Son gouvernement parviendra-t-il à désamorcer la colère sociale tout en satisfaisant les exigences de Kinshasa ? Un exercice d’équilibriste qui pourrait bien déterminer l’avenir politique de toute la province.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd