La reprise des cours dans le territoire de Walikale, au Nord-Kivu, ressemble à un retour timide là où l’urgence éducative exigerait un élan collectif. Ce lundi 21 avril, les salles de classe sont restées désespérément vides après un mois d’interruption forcée, conséquence directe des affrontements entre l’AFC et le M23. Dans cette région minée par les crises sécuritaires à répétition, l’école peine à retrouver son rôle de sanctuaire.
À l’école primaire Lowa, seulement 20 élèves ont franchi les portes. L’école Mika en compte 82, tandis que l’institut de Walikale affiche 65 présences. Des chiffres alarmants qui traduisent une réalité palpable : la peur persiste dans les foyers. « Les parents sont nos partenaires de luxe », lance Mutiro Tongoto Jules, chef de la sous-division provinciale de l’enseignement Walikale 1. Un plaidoyer urgent pour convaincre les familles encore réfugiées en brousse de revenir.
Mais comment reconstruire la confiance lorsque les souvenirs des violences sont encore frais ? Les établissements scolaires, symboles de stabilité, se heurtent au traumatisme des populations. Les examens du deuxième trimestre, déjà en vue, risquent de creuser les inégalités entre élèves présents et absents. « Si nous commençons maintenant, beaucoup vont rater les épreuves », déplore l’autorité éducative, soulignant l’impératif de rattrapage du programme national.
Cette situation reflète un défi plus large pour l’éducation en RDC, particulièrement dans les zones en proie aux conflits armés. Rappelons qu’en mars dernier, plus de 128 648 élèves avaient été contraints d’interrompre leurs études dans le seul territoire de Walikale, selon des données officielles. Un drame silencieux qui hypothèque l’avenir d’une génération entière.
Les enjeux dépassent la simple reprise des cours. Il s’agit de restaurer un contrat social brisé par les armes. Les enseignants, souvent non payés depuis des mois, font face à une double mission : pédagogique et psychologique. Comment transmettre le savoir lorsque les cris des combats résonnent encore dans les mémoires ?
Les autorités provinciales insistent sur l’extension de la reprise à toute la sous-division Walikale 1. Mais sur le terrain, la logistique manque. Manuels scolaires détruits, infrastructures endommagées, frais de scolarité impayés… Autant d’obstacles qui freinent le retour à la normale. Sans compter les familles déplacées qui hésitent à réintégrer des villages encore perçus comme vulnérables.
Cette crise éducative interroge la capacité de l’État à protéger ses citoyens les plus jeunes. Alors que Kinshasa multiplie les annonces sur la modernisation du secteur, la réalité du Nord-Kivu rappelle cruellement les priorités immédiates : sécurité, soutien psychosocial et reconstruction des infrastructures. Le temps perdu se compte désormais en semaines d’apprentissage sacrifiées, en potentiel gâché.
L’appel lancé par les responsables locaux trouvera-t-il écho ? La réponse dépendra de la coordination entre acteurs éducatifs, forces de sécurité et organisations humanitaires. Une chose est sûre : chaque jour supplémentaire sans école creuse un peu plus le fossé entre deux Congo – celui qui étudie et celui qui survit.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd