La région de Walikale, en République Démocratique du Congo, traverse une crise sanitaire sans précédent après le retrait des rebelles de l’AFC/M23. Quatre structures sanitaires pillées, des équipements vitaux disparus et des professionnels de santé désemparés : ce tableau alarmant menace directement la prise en charge médicale de milliers de personnes.
À Mpofi, à 52 km à l’est de Walikale, le centre de santé ressemble à un décor de film catastrophe. « Nous n’avons que nos yeux pour regarder les malades », confie un infirmier, la voix nouée par l’émotion. Les rebelles ont emporté jusqu’au dernier comprimé, paralysant même les soins de base. Pire : la destruction du système solaire compromet la conservation des vaccins et médicaments thermosensibles, une bombe à retardement pour les campagnes de vaccination.
À Kumbwa, la situation frôle l’absurde. « Même les matelas ont été volés ! », s’indigne Kitwana Misuba Louis, infirmier titulaire. Les lits souillés de sang témoignent de violences inouïes contre le système de santé. Sans bistouri ni antidouleurs élémentaires, comment pratiquer ne serait-ce qu’une suture ? La population est contrainte à l’automédication ou aux remèdes traditionnels, avec les risques que cela comporte.
Le centre de Mutakato illustre cruellement ce paradoxe : des bâtiments modernes vidés de leur substance. « Les accouchées doivent dormir sur des cartons », dénonce Akilimali Mubangu Prosper. Le vol des kits d’accouchement stériles expose les femmes à des infections mortelles, tandis que la disparition des moustiquaires favorise la recrudescence du paludisme.
À Ngora, à seulement 12 km de Walikale, c’est le personnel soignant lui-même qui a dû fuir. « Nous soignions leurs blessés, puis ils ont tout pris », raconte un habitant sous couvert d’anonymat. Cette désertion médicale forcée prive une communauté entière d’accès aux soins primaires.
Face à cette urgence, la zone de santé rurale de Walikale tente de réagir. Des superviseurs évaluent les besoins pour un rapport destiné aux autorités et partenaires internationaux. Mais le temps presse : chaque jour sans médicaments augmente les risques d’épidémies. Les professionnels sur place lancent un cri d’alarme : « Sans réapprovisionnement d’urgence, nous devrons choisir quels patients sauver ».
Cette crise pose une question cruciale : comment protéger les infrastructures sanitaires en zone de conflit ? Les conventions internationales prévoient pourtant leur inviolabilité. Le cas de Walikale révèle l’urgence d’un mécanisme de protection renforcé et de stocks stratégiques décentralisés.
En attendant, certaines structures tentent de se réinventer. Le centre de Kumbwa envisage de s’endetter auprès des pharmaciens locaux. Une solution risquée qui alourdirait la dette technique déjà colossale du secteur santé en RDC. D’autres comptent sur la solidarité communautaire pour fabriquer des matelas artisanaux ou stériliser du matériel récupéré.
Cette situation rappelle cruellement que dans l’est de la RDC, la guerre se joue aussi sur le terrain sanitaire. Chaque pillage équivaut à une arme de destruction massive contre les civils. Alors que les actualités régionales RDC se focalisent souvent sur les combats, cette crise humanitaire silencieuse mérite toute l’attention des acteurs nationaux et internationaux.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
