Dans un contexte politique marqué par des défis sécuritaires et économiques croissants, la tenue de la 40e réunion du Conseil des ministres à Lubumbashi suscite autant d’espoirs que de questionnements. Une chose est sûre : le gouvernement Suminwa tente d’écrire une nouvelle page de la gouvernance de proximité, concept phare de sa communication. Mais derrière les symboles, quelles réelles avancées pour les populations du Haut-Katanga et de l’Est de la RDC ?
L’arrivée nocturne de Judith Suminwa à Lubumbashi, accueillie par un aréopage d’autorités provinciales, ne doit pas occulter l’essentiel. Si la décentralisation des instances décisionnelles constitue une avancée institutionnelle notable, certains observateurs s’interrogent : s’agit-il d’une véritable révolution administrative ou simplement d’une mise en scène destinée à redorer le blason d’un exécutif confronté aux critiques sur son bilan ?
Le choix de Lubumbashi n’est pas anodin. Capitale minière et poumon économique du pays, la ville cristallise les enjeux de la relance économique congolaise. « Chaque province doit devenir un acteur à part entière de la gouvernance nationale », a répété la Première ministre lors de son discours d’accueil. Une formule choc qui cache mal les tensions persistantes entre le centre et les régions, particulièrement dans les zones frontalières où l’influence de Kigali continue de peser.
Sur le dossier sécuritaire, les annonces gouvernementales méritent décryptage. Les « efforts importants » évoqués pour pacifier l’Est du pays restent pour l’heure sans traduction concrète. La rhétorique habituelle sur les « groupes armés soutenus par le Rwanda » suffira-t-elle à masquer l’absence de stratégie militaire claire ? Les récentes avancées des M23 dans le Nord-Kivu donnent à cette question une actualité brûlante.
Sur le plan économique, l’accent mis sur l’amélioration des conditions de vie des Congolais contraste avec la réalité d’un pays où l’inflation dépasse les 15%. Le déplacement du Conseil des ministres permettra-t-il de relancer les investissements dans le secteur minier, pilier de l’économie katangaise ? Rien n’est moins sûr, alors que les contrats avec les multinationales restent opaques.
Cette réunion hors de Kinshasa s’inscrit dans une stratégie plus large de reconquête médiatique. En multipliant les rencontres provinciales, le pouvoir central cherche manifestement à contrer l’image d’un gouvernement coupé de ses territoires. Mais gare aux effets d’annonce : en 2023 déjà, des promesses similaires faites au Kasaï étaient restées lettre morte.
La présence personnelle de Judith Suminwa, réputée pour son style hands-on, constitue néanmoins un signal fort. Sa capacité à incarner cette nouvelle gouvernance de terrain sera déterminante pour la suite. Reste à savoir si cette approche survivra aux prochaines turbulences politiques, dans un pays où les équilibres institutionnels restent fragiles.
Alors que les projecteurs se braquent sur Lubumbashi, l’Est du pays continue de s’enliser dans la violence. Le paradoxe est criant : peut-on vraiment parler de cohésion nationale quand des millions de Congolais vivent sous la menace permanente des armes ? La réponse à cette question déterminera la crédibilité réelle de la nouvelle stratégie gouvernementale.
À l’heure où s’achève cette 40e réunion ministérielle, un constat s’impose : le chemin vers une véritable décentralisation effective reste semé d’embûches. Entre les beaux discours et la réalité du quotidien des Congolais, le fossé risque de se creuser davantage si des mesures concrètes ne suivent pas. L’histoire jugera si ce déplacement à Lubumbashi aura été un tournant ou simplement une parenthèse médiatique dans la gestion des affaires publiques.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: primature.grouv.cd