Le Parc national des Virunga, joyau écologique du Nord-Kivu, souffle ses 100 bougies dans un étau de fer. Alors que l’ICCN célèbre ce lundi 21 avril 2025 un siècle de conservation, 60% du plus ancien parc d’Afrique subsiste sous occupation armée. Un paradoxe tragique pour ce sanctuaire classé au patrimoine mondial, dont les 8 000 km² abritent à la fois des gorilles en sursis et des kalachnikovs en liberté.
« C’est un centenaire sous respirateur artificiel », lâche un responsable de l’Institut congolais pour la conservation de la nature sous couvert d’anonymat. Les chiffres donnent froid dans le dos : 350 gorilles de montagne survivent entre les milices, tandis que 5 000 km² du parc échappent totalement au contrôle des écogardes. Le M23 et autres groupes armés ont transformé ces forêts en bases arrière, transformant l’or vert en champ de bataille.
La pression démographique achève de asphyxier ce poumon de l’est de la RDC. Avec 5 millions d’habitants aux portes du parc – soit l’équivalent de la population du Congo-Brazzaville –, l’agriculture invasive et les villages illicites grignotent 15 000 hectares par an. « Les rangers risquent leur vie pour arracher des plants de manioc là où devraient rugir les lions », déplore un expert environnemental de Goma.
Les conséquences écologiques ? Une hémorragie silencieuse. Chaque jour, 200 tonnes de bois partent en fumée dans les fourneaux de Kinshasa et Lubumbashi. Les rivières du parc, véritables artères vitales pour le bassin du Congo, sont pillées par des pêcheurs illégaux. « Quand on perd Virunga, on perd le combat contre le réchauffement climatique en Afrique centrale », alerte un climatologue basé à Beni.
Pourtant, l’espoir résiste comme les bambous du Ruwenzori. Les 3 000 km² encore protégés abritent des réussites insensées : la population de gorilles a augmenté de 12% malgré les conflits. « C’est la preuve qu’avec des moyens, on peut inverser la tendance », insiste un ranger dont le père et le frère ont péri dans des embuscades.
Mais comment protéger ces trésors naturels quand les balles sifflent entre les arbres séculaires ? L’ICCN sonne l’alarme : sans renforcement urgent des effectifs et des équipements, le parc pourrait basculer d’ici 2030 dans un point de non-retour. Un scénario catastrophe pour l’économie régionale – le tourisme générait 15 millions de dollars annuels avant la recrudescence des violences.
À l’heure où la RDC mise sur l’exploitation pétrolière controversée dans les parcs, le centenaire des Virunga interroge notre rapport au vivant. Ce sanctuaire n’est pas qu’un écrin de biodiversité : c’est le baromètre de notre capacité à concilier humanité et nature. Son sort se jouera autant dans les salons feutrés de Kinshasa que dans les tranchées boueuses du Nord-Kivu.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net