Dans un coup de théâtre judiciaire qui secoue la politique RDC, le ministre de la Justice Constant Mutamba a déclenché une onde de choc en ordonnant des poursuites contre Joseph Kabila. L’ancien président, sénateur à vie et figure tutélaire de l’Est congolais, est désormais accusé de haute trahison pour son implication présumée dans le soutien aux rebelles AFC/M23. Une accusation gravissime qui plonge le pays dans un face-à-face historique entre l’ancien et le nouveau pouvoir.
Le communiqué ministériel, publié ce samedi 19 avril 2025, détaille une stratégie judiciaire à trois volets : poursuites pénales, gel des avoirs et restrictions de mouvement pour les cadres du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD). Cette offensive coïncide étrangement avec le retour de Kabila à Goma, épicentre de la crise sécuritaire où les rebelles, selon des rapports onusiens, contrôleraient 60% du Nord-Kivu. « Le timing interroge », glisse un diplomate sous couvert d’anonymat, « entre volonté de justice et calcul électoral ».
Le ministre de l’Intérieur Jacquemain Shabani enfonce le clou en suspendant nationalement les activités du PPRD, dénonçant un « silence complice » face à l’agression rwandaise. Une mesure qui fait écho aux récentes arrestations de responsables du parti, dont le trésorier national, le 3 avril dernier. La machine judiciaire semble s’emballer : saisie des biens mobiliers et immobiliers de Kabila, perquisitions au siège du parti à Kinshasa actualités, mise sous surveillance des proches…
Dans ce bras de fer, chaque camp instrumentalise la crise de l’Est. Le pouvoir actuel y voit une preuve de collusion entre l’ex-président et Kigali, quand le PPRD dénonce une « diversion grossière » masquant l’incapacité gouvernementale à sécuriser le territoire. « Depuis quand un ancien chef d’État devient-il chef rebelle ? », s’insurge un cadre du parti contacté par Congo Quotidien, réclamant des enquêtes RDC impartiales.
La rhétorique guerrière des communiqués officiels contraste avec les réalités de terrain. Alors que les FARDC peinent à contenir l’avancée des groupes armés, cette judiciarisation à haut risque pourrait fragiliser davantage l’unité nationale. « Le gouvernement joue avec le feu en criminalisant l’opposition », analyse un observateur politique à Lubumbashi actualités, rappelant que le PPRD conserve 22 sièges au Sénat.
Reste la question centrale : ces poursuites marquent-elles l’avènement d’un État de droit ou celui d’une chasse aux sorcières politique ? Le porte-parole gouvernemental Patrick Muyaya botte en touche lors de sa conférence de presse à Goma actualités : « Attendons les preuves, la justice suivra son cours ». Un discours de prudence qui peine à masquer les enjeux de pouvoir. Car derrière les accusations de trahison se profile l’ombre des élections de 2026, où Kabila pourrait redevenir un faiseur de rois…
La communauté internationale, elle, observe ce feuilleton judiciaire avec circonspection. Si Washington et Paris saluent « les efforts de lutte contre l’impunité », Bruxelles appelle à « préserver la stabilité institutionnelle ». Un équilibre précaire pour un pays où la justice a souvent servi d’arme politique. Le prochain acte de ce drame se jouera peut-être devant la Cour pénale internationale, où certaines voix réclament déjà sa saisine.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net