Dans un discours aussi cinglant qu’inhabituel, Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale de la RDC, a tiré à boulets rouges sur le manque criant de moyens alloués à l’institution parlementaire. La première plénière de la session ordinaire de mars 2025 a ainsi été le théâtre d’une rare sortie médiatique du numéro un de la chambre basse, dévoilant au grand jour les dysfonctionnements logistiques qui entravent le travail législatif.
« Même le papier, on l’achète nous-mêmes » : cette déclaration choc du président Kamerhe résume à elle seule l’ampleur du malaise. Derrière cette formule percutante se cache une réalité plus profonde : le traitement en parent pauvre réservé au Parlement congolais. Comment en est-on arrivé à ce que les élus de la nation doivent puiser dans leurs propres ressources pour assurer le fonctionnement élémentaire de l’institution ? La question, rhétorique, en dit long sur les priorités du pouvoir exécutif en matière de séparation des pouvoirs.
L’analyse politique de cette sortie révèle plusieurs strates de lecture. D’abord, il y a ce constat accablant : l’Assemblée nationale, pilier de la démocratie congolaise, serait réduite au rang de « structure au rabais » selon les propres termes de son président. Ensuite, se profile une critique à peine voilée de la répartition des ressources publiques. Alors que certains ministères bénéficient de budgets conséquents, le Parlement serait contraint à une forme de débrouillardise institutionnelle. Une situation qui interroge sur l’équilibre des pouvoirs dans cette jeune démocratie.
Le discours de Kamerhe prend d’autant plus de relief qu’il émane d’une figure centrale du paysage politique congolais. Son exaspération affichée pourrait bien marquer un tournant dans les relations entre l’exécutif et le législatif. Car derrière les problèmes logistiques évoqués se profile une question plus fondamentale : quelle place réelle occupe le Parlement dans l’architecture institutionnelle de la RDC ? Les propos du président de l’Assemblée laissent entendre que la réponse à cette interrogation n’est guère flatteuse pour les équilibres démocratiques du pays.
Cette crise des moyens pourrait bien cristalliser les tensions latentes entre les différentes institutions. À Kinshasa, certains observateurs politiques y voient déjà le signe avant-coureur d’une recomposition des rapports de force. La balle est désormais dans le camp du gouvernement, qui devra trancher : s’agit-il d’un simple problème budgétaire ou d’un choix politique plus profond concernant le rôle du Parlement ? La réponse à cette question déterminera sans doute l’évolution des relations institutionnelles dans les mois à venir.
Entre actualités politiques RDC et enjeux démocratiques, cet épisode soulève des interrogations fondamentales sur la gouvernance congolaise. Alors que le pays s’apprête à entrer dans une nouvelle phase de son histoire politique, le cri d’alarme de Vital Kamerhe résonne comme un avertissement : une démocratie ne peut fonctionner correctement lorsque l’un de ses piliers essentiels est systématiquement sous-équipé et sous-évalué. Reste à savoir si ce message sera entendu par les décideurs, ou s’il se perdra dans les méandres des rivalités institutionnelles qui caractérisent trop souvent la vie politique congolaise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd