L’Est de la République Démocratique du Congo est-il en train de devenir l’épicentre d’un retour politique aussi inattendu que stratégique ? La présence confirmée de l’ancien président Joseph Kabila à Goma, capitale du Nord-Kivu, ce vendredi, relance les spéculations sur les véritables motivations de son retour au pays. Alors que certaines sources évoquent un passage éclair à Kigali, l’entourage de l’ex-chef d’État (2001-2019) balaie ces rumeurs, insistant sur sa volonté de « constater par lui-même » la dégradation sécuritaire dans cette région en proie aux affrontements entre les FARDC et le groupe armé M23.
Dans une déclaration datée du 8 avril, Kabila justifiait son retour imminent par « la déliquescence des institutions » et « l’urgence sécuritaire ». Des termes forts qui résonnent comme une critique voilée de la gestion actuelle du pouvoir. « Il y a péril en la demeure », assène-t-il, choisissant délibérément l’Est du pays comme point d’entrée. Un symbole fort pour celui qui avait quitté le pouvoir en 2019 après 18 ans de règne, non sans susciter des polémiques sur son bilan.
Ce retour survient dans un contexte politique particulièrement inflammable. Alors que son parti, le PPRD, vient de célébrer son 23e anniversaire avec l’ambition affichée de « relancer ses activités », les accusations fusent. À Kikwit, Jean-Pierre Bemba, figure politique majeure et ancien ministre de la Défense, a récemment assuré détenir des « preuves » impliquant Kabila dans les violences armées. Des allégations que l’intéressé avait déjà qualifiées d’« infondées » lors d’un entretien à Johannesburg en mars dernier.
Quelle est la véritable stratégie de Joseph Kabila ? Certains analystes y voient une manœuvre pour repositionner le PPRD sur l’échiquier politique congolais, à l’approche des prochaines échéances électorales. D’autres soulignent le timing suspect de ce retour, alors que les FARDC enregistrent des difficultés face à la rébellion du M23 – groupe que Kinshasa accuse régulièrement d’être soutenu par le Rwanda. Kabila, lui, prône une « approche endogène » de la crise, lors de son échange avec l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki. Une position qui pourrait lui permettre de se présenter en médiateur, tout en évitant soigneusement de froisser ses relations avec Kigali.
Reste que ce come-back intervient alors que les tensions politiques atteignent un paroxysme. Entre les accusations de Jean-Pierre Bemba, les défis sécuritaires dans l’Est et les luttes d’influence au sein même de la majorité présidentielle, la RDC semble plus que jamais à la croisée des chemins. Joseph Kabila saura-t-il tirer son épingle du jeu, ou son retour risque-t-il d’attiser les divisions ? Une chose est sûre : en choisissant Goma comme porte d’entrée, l’ancien président envoie un message clair à ses détracteurs comme à ses soutiens. Le Nord-Kivu, théâtre des pires violences, devient ainsi le symbole d’une reconquête politique aussi audacieuse que risquée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
