Dans un geste chargé de symbolique, la Première ministre Judith Suminwa a officiellement lancé jeudi 17 avril la cartographie pilote du deuxième recensement général de la population et de l’habitat de la RDC. Cette opération stratégique, menée au terrain Assossa dans la commune historique de Kasa-Vubu à Kinshasa, marque un tournant dans la gouvernance statistique du pays.
La cartographie, étape cruciale du processus, permettra de découper méthodiquement les zones de dénombrement. Une mesure essentielle pour éviter les écueils classiques des recensements africains : omissions et doubles comptages. Le gouvernement congolais joue ici une partie subtile, tentant de concilier rigueur technique et impératifs politiques.
« Nous assistons à un moment historique », a déclaré Judith Suminwa, visiblement émue. La Première ministre, ancienne ministre du Plan, connaît mieux que quiconque les enjeux de cette opération. Son discours a habilement mêlé fierté nationale et réalisme politique, rappelant que le dernier recensement scientifique remontait à 1984 – une éternité en matière de planification développementale.
Dans sa rhétorique soigneusement calibrée, la cheffe du gouvernement a su lier ce projet au Programme d’Actions du Gouvernement (PAG), présenté comme la feuille de route vers l’émergence. Un habile montage discursif qui permet d’inscrire une opération technique dans le grand récit du développement national. « Malgré l’agression injuste de notre pays… », a-t-elle ajouté, démontrant une fois encore cette capacité à connecter les dossiers techniques aux grands enjeux géopolitiques.
Le choix des zones pilotes – Kasa-Vubu à Kinshasa, Bulungu au Kwilu et Tshikapa au Kasaï – n’est certainement pas anodin. Il s’agit d’un échantillon représentatif des réalités congolaises, des centres urbains aux zones rurales. Judith Suminwa a promis que les opérations s’étendraient à l’ensemble du territoire dès juillet, avec une innovation majeure : la numérisation complète du processus, contraste frappant avec le recensement de 1984.
Mais derrière les déclarations optimistes se cachent des défis redoutables. Comment garantir la sécurité des agents recenseurs dans les zones en conflit ? Le budget alloué sera-t-il à la hauteur des ambitions affichées ? Et surtout, ces données tant attendues seront-elles réellement utilisées pour orienter les politiques publiques, ou simplement archivées comme tant d’autres études avant elles ?
La Première ministre a beau jeu de promettre la fin de « la disette statistique », mais l’histoire récente de la RDC montre que les bonnes intentions ne suffisent pas. Le véritable test commencera après la publication des résultats, lorsque ces données devront irriguer concrètement les politiques de santé, d’éducation et d’infrastructures. En attendant, Kinshasa peut se targuer d’avoir enfin enclenché une machine statistique dont l’absence handicape depuis des décennies la gouvernance du pays.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
