Le gouvernement congolais joue une fois de plus la carte de la continuité dans la gestion des crises sécuritaires à l’Est du pays. Réuni en Conseil des ministres ce 15 avril 2025, l’exécutif a adopté un projet de loi d’habilitation visant à proroger d’office l’état de siège en Ituri pour une durée record de 12 mois. Une décision qui ne passe pas comme une lettre à la poste auprès des élus locaux, criant à l’anticonstitutionnalité.
Dans une déclaration cinglante dont actualite.cd a obtenu copie, les députés provinciaux de l’Ituri fustigent cette « initiative élastique » du gouvernement. « Nous, représentants légitimes du peuple Iturien, considérons anticonstitutionnelle et irrationnelle cette démarche », peut-on lire dans le document. Les élus pointent du doigt l’incapacité patente de l’état de siège à rétablir la paix après quatre années d’application. Un échec si cuisant que Kinshasa a dû recourir à l’armée ougandaise (UPDF) en renfort, alors même que la mission était initialement confiée à l’administration militaire locale.
Le paradoxe est saisissant : alors que les populations réclament depuis des années la levée pure et simple de cette mesure jugée « obsolète et impopulaire », le gouvernement persiste et signe. Pire, il opte pour une prorogation d’un an, rompant avec la logique des renouvellements bimensuels. « Cette gymnastique législative fantaisiste en dit long sur l’épuisement des institutions face à un dispositif qui a montré ses limites », analyse un observateur politique à Bunia.
Instauré en mai 2021 par le président Félix Tshisekedi, l’état de siège devait permettre une lutte plus efficace contre les groupes armés dans l’Ituri et le Nord-Kivu. Quatre ans plus tard, le bilan est pour le moins mitigé. Malgré les annonces d’allègement progressif depuis 2023, les exactions n’ont cessé de croître, plongeant les populations dans un cycle infernal de violence. « Voter une telle prorogation, c’est tourner le dos aux aspirations légitimes des Ituriens », tonne un député provincial sous couvert d’anonymat.
La balle est désormais dans le camp du Parlement. Les chambres réunies en session ordinaire devront trancher : suivre la voie tracée par le gouvernement ou écouter la colère sourde des populations locales ? Une chose est sûre, cette nouvelle tentative de prolongation risque d’enflammer davantage un terrain déjà miné par les tensions politiques et sécuritaires. À moins que Kinshasa ne prépare en coulisses une sortie honorable de ce dispositif controversé, dont l’échec patent interroge sur la pertinence des solutions purement militaires aux crises de l’Est.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd