Dans un contexte de tensions persistantes dans l’Est de la RDC, la visite éclair du Président togolais Faure Gnassingbé à Kinshasa suscite autant d’espoirs que d’interrogations. Reçu en tête-à-tête par Félix Tshisekedi ce mercredi 16 avril 2025 à la Cité de l’Union Africaine, le nouveau médiateur désigné par l’Union africaine a entamé sa mission sous le signe de la discrétion, refusant toute déclaration à la presse à l’issue des deux heures d’entretien.
Cette rencontre stratégique intervient à un moment charnière du processus de paix dans la région des Grands Lacs. Quatre jours seulement après la reprise officielle du dossier par le médiateur, les contours du processus aligné de Luanda-Nairobi ont été au cœur des discussions. Une manière pour le successeur de João Lourenço de prendre le pouls d’un dossier complexe, où les enjeux géopolitiques se mêlent aux impératifs sécuritaires.
La nomination de Faure Gnassingbé n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte de consultations préalables minutieuses et d’une approbation formelle par l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’UA. Le président togolais, connu pour son expérience en matière de médiation régionale, hérite d’un dossier épineux : mettre fin au soutien rwandais présumé à la rébellion du M23 tout en coordonnant les efforts des facilitateurs du processus de paix fusionné.
Le défi est de taille pour ce nouveau médiateur, qui devra composer avec une équipe de facilitation aussi prestigieuse qu’hétéroclite. Uhuru Kenyatta, Sahle-Work Zewde, Catherine Samba-Panza, Olusegun Obasanjo et Kgalema Motlanthe : autant de personnalités dont les visions et les méthodes pourraient tantôt se compléter, tantôt s’opposer. La question qui se pose est de savoir comment Faure Gnassingbé parviendra à harmoniser ces différentes approches tout en maintenant le cap sur l’objectif principal : la pacification de l’Est congolais.
Cette médiation relancée survient alors que la région connaît une recrudescence des violences, malgré les multiples initiatives de paix. L’échec relatif du précédent médiateur, João Lourenço, qui a jeté l’éponge en mars dernier après plusieurs tentatives infructueuses, pèse comme une ombre sur cette nouvelle initiative. Le président angolais avait pourtant mis en œuvre toute la diplomatie dont son pays est capable, sans parvenir à des résultats tangibles.
La stratégie de Faure Gnassingbé reste encore à déchiffrer. Ses premières actions – cette visite discrète à Kinshasa après une escale à Luanda – trahissent-elles une approche plus réservée, moins médiatique que celle de son prédécesseur ? Ou s’agit-il simplement des prémisses d’une médiation qui préfère travailler dans l’ombre avant de dévoiler ses cartes ?
Ce qui est certain, c’est que l’Union africaine, par cette nomination, réaffirme sa volonté de jouer un rôle central dans la résolution des crises internes au continent. Une manière aussi de contrer les critiques récurrentes sur son incapacité à régler les conflits africains sans recourir à des solutions extérieures. Mais entre les déclarations d’intention et les résultats concrets, le chemin reste long, particulièrement dans un dossier aussi complexe que celui de l’Est de la RDC.
Les prochaines semaines seront cruciales pour évaluer la marge de manœuvre réelle du nouveau médiateur. Parviendra-t-il à imposer son leadership face aux multiples acteurs impliqués dans ce conflit ? Sa capacité à naviguer entre les intérêts divergents des parties prenantes sera déterminante pour l’avenir de cette médiation – et peut-être pour la stabilité de toute la région des Grands Lacs.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd