Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, est le théâtre d’une mobilisation citoyenne sans précédent. Une brigade, se faisant appeler les Gardiens de la souveraineté congolaise, a décidé de prendre les choses en main face aux conditions de travail jugées inhumaines dans certaines entreprises à capitaux étrangers. Ces travailleurs, souvent invisibles, subissent des horaires exténuants, des salaires dérisoires et un climat de peur constant.
« On travaille plus de 10 heures par jour, sans assurance ni congé. Si on ose réclamer, on est remplacé sans préavis », confie un jeune ouvrier sous couvert d’anonymat. Ce témoignage poignant illustre le quotidien de milliers de Congolais employés dans des entreprises indiennes, pakistanaises, libanaises et chinoises. Ces sociétés, souvent implantées en périphérie urbaine ou dans des zones industrielles, semblent fonctionner en toute impunité, loin des regards des autorités.
Face à cette situation qualifiée d’humiliation nationale, la brigade citoyenne a lancé l’opération Rendre la dignité aux Congolais. Leur première action d’éclat ? Une descente inopinée dans un centre médical tenu par des expatriés indiens, où plusieurs signalements d’abus avaient été rapportés. « Nous avons interpellé les responsables de ce centre qui piétinent ouvertement le Code du travail congolais », explique Fortifi Lushima, coordinateur national de l’ONG Urgences Panafricanistes et président de la brigade.
Le ton est ferme, sans appel : « Nous ne laisserons plus notre peuple être traité comme des esclaves modernes sur sa propre terre. Vous avez déjà accaparé nos richesses, vous ne nous volerez pas notre dignité ». Un message clair adressé à ces employeurs étrangers qui semblent se croire au-dessus des lois locales.
Pourtant, la législation congolaise est formelle. L’article 119 du Code du travail prévoit une durée hebdomadaire maximale de 45 heures, soit 8 heures par jour. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre. Dans les entreprises visées par les plaintes, les travailleurs déclarent effectuer jusqu’à 72 heures hebdomadaires, sans repos ni contrepartie. Un véritable esclavage moderne qui perdure sous le regard complice des autorités ?
Au-delà des horaires abusifs, c’est tout un système d’exploitation qui est mis en lumière. Salaires en dessous du minimum légal, absence de sécurité sociale, pressions constantes et refus de syndicalisation : le tableau est sombre. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi ces pratiques perdurent-elles malgré les lois en vigueur ? Autant de questions qui restent sans réponse satisfaisante.
Les actions des Gardiens de la souveraineté congolaise interviennent dans un contexte de grogne sociale croissante. De nombreux Congolais dénoncent l’impunité dont jouissent certains employeurs étrangers, souvent perçus comme intouchables. Mais attention, préviennent les membres de la brigade, il ne s’agit pas d’un combat xénophobe. Leur objectif ? Exiger simplement le respect de la législation congolaise et des droits fondamentaux des travailleurs.
Cette mobilisation citoyenne pose une question fondamentale : jusqu’où ira-t-elle ? Les autorités congolaises, souvent accusées de laxisme, prendront-elles enfin leurs responsabilités ? Le ministère du Travail et l’IGF préparent une commission de contrôle, mais suffira-t-elle à mettre fin à ces abus systémiques ?
Une chose est sûre : le réveil citoyen est en marche. Les Congolais, longtemps résignés, semblent décidés à reprendre leur destin en main. La dignité n’a pas de prix, et ces Gardiens de la souveraineté entendent bien le rappeler à tous ceux qui l’auraient oublié.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
