Dans une manœuvre qui ne dit pas son nom, l’administration du M23 opère une mutation territoriale inquiétante dans le Nord-Kivu. Depuis quelques jours, des villages entiers du territoire de Masisi voient leur statut modifié en cités ou communes, avec pour corollaire la suppression pure et simple des droits coutumiers. Une restructuration qui s’apparente à une véritable purge institutionnelle, selon plusieurs sources locales.
Prenons le cas emblématique de Luunche, dans le groupement Matanda (chefferie de Bahunde). Cette localité a été promue au rang de cité, avec l’installation d’une nouvelle administration parallèle. Plus parlant encore : Rubaya, ancien chef-lieu de Luunche, se voit érigé en cité autonome, rompant ainsi brutalement avec des siècles d’organisation traditionnelle.
La cité de Masisi, jadis commune rurale, est rétrogradée au simple statut de cité, au même titre que Kitshanga, l’ancien chef-lieu de la chefferie de Bashali. Plus à l’est, le village Kalembe, stratégiquement situé sur l’axe Masisi-Walikale, subit le même sort. Une recomposition territoriale qui n’est pas sans rappeler certaines pratiques coloniales de division administrative.
Mais derrière ces changements administratifs en apparence anodins se cache une réalité bien plus sombre. Selon des notables locaux, cette restructuration systématique dans les zones occupées sonne le glas du pouvoir coutumier. Pis encore : des sources concordantes révèlent que les chefs coutumiers récalcitrants sont purement et simplement éliminés physiquement pour être remplacés par des affidés du mouvement rebelle.
Cette stratégie du fait accompli pose plusieurs questions cruciales. Jusqu’où ira cette reconfiguration territoriale ? Quel avenir pour les institutions traditionnelles dans cette partie du Nord-Kivu ? Et surtout, cette administration parallèle préfigure-t-elle une future revendication politique plus large ? Autant d’interrogations qui restent en suspens alors que la communauté internationale semble regarder ailleurs.
Dans cette région riche en minerais mais pauvre en stabilité, chaque modification administrative cache en réalité des enjeux de pouvoir bien plus larges. La méthode employée – transformation unilatérale des structures territoriales couplée à l’élimination des contre-pouvoirs traditionnels – rappelle fâcheusement certains épisodes sombres de l’histoire congolaise. Reste à savoir si Kinshasa saura ou pourra réagir à ce qui s’apparente de plus en plus à une stratégie de prise de contrôle par les armes et… par l’administration.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net