Le paysage politique congolais vient d’être secoué par une annonce fracassante. Joseph Kabila, ancien président de la République Démocratique du Congo (RDC) de 2001 à 2019, a rompu six ans de silence pour annoncer son retour imminent sur la scène politique nationale. Dans une lettre exclusive publiée par Jeune Afrique, l’ancien chef de l’État justifie cette décision par la dégradation continue de la situation sécuritaire à l’est du pays, où les groupes armés comme le M23 continuent de semer la terreur.
« J’ai résolu de rentrer sans délai pour contribuer à la recherche de solutions », écrit Kabila dans cette correspondance qui a fait l’effet d’une bombe à Kinshasa. Cette déclaration intervient dans un contexte où le président Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, peine à contenir les crises multiformes qui secouent le pays. La gestion des conflits dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, ainsi que les tensions diplomatiques avec le Rwanda accusé de soutenir le M23, ont considérablement affaibli la position de l’actuel locataire du palais de la Nation.
Pour les observateurs de la politique RDC, ce retour n’est pas anodin. Joseph Kabila, qui vit principalement en Afrique du Sud depuis son départ du pouvoir, aurait mûrement préparé ce comeback. Des réunions stratégiques à Nairobi en janvier 2025 rassemblant d’anciennes figures de son régime, ainsi qu’une tribune critique publiée dans le Sunday Times sud-africain en février dernier, laissaient présager ce retour en force. Dans ce texte, l’ancien président n’avait pas mâché ses mots, accusant le régime Tshisekedi de « tribalisme » et de « dérives autoritaires ».
À Kinshasa, les réactions sont partagées. Dans l’opposition, certains voient en Kabila un possible allié contre ce qu’ils qualifient de « régime en perdition ». Un cadre d’Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi, reconnaît que « Kabila a l’expérience et les connexions nécessaires pour peser dans le débat ». Pourtant, les deux hommes ont été des adversaires farouches par le passé. Leur rencontre à Addis-Abeba en décembre 2024 avait d’ailleurs alimenté les spéculations sur une éventuelle alliance contre Tshisekedi.
Du côté du pouvoir, on affiche une méfiance ostensible. Un proche du président Tshisekedi accuse Kabila de « chercher à semer le trouble alors que nous travaillons à stabiliser le pays ». La source rappelle les accusations récurrentes selon lesquelles l’ancien chef de l’État entretiendrait des liens avec des groupes armés dans l’est – des allégations toujours démenties par son entourage. « S’il revient, il devra répondre de son bilan et de ses responsabilités », prévient-on dans les cercles présidentiels.
Joseph Kabila reste en effet une figure clivante dans le paysage politique congolais. Héritier du pouvoir après l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila en 2001, il a dirigé le pays pendant 18 ans, une période marquée par la fin de la Deuxième Guerre du Congo, mais aussi par des accusations de corruption, de répression et d’élections contestées. Son départ en 2019, sous la pression populaire et internationale, avait été perçu comme une victoire pour la démocratie congolaise. Pourtant, son influence n’a jamais totalement disparu, entretenue par un réseau fidèle et son statut de sénateur à vie.
Ce retour annoncé pourrait-il rebattre les cartes de la politique RDC ? L’ancien président ne revient certainement pas en simple spectateur. Reste à savoir si cette initiative marquera un tournant constructif ou une nouvelle source de tensions dans une RDC déjà en proie à de multiples défis. À Goma, dans l’est du pays en proie à l’insécurité, un habitant résume l’ambivalence des Congolais : « Kabila connaît le pays, mais il porte aussi le poids de ses échecs ».
Alors que la RDC traverse une période cruciale de son histoire, ce retour inattendu ajoute une variable complexe à l’équation politique. Entre espoir de stabilité et crainte de nouvelles turbulences, les prochains jours nous diront si Joseph Kabila entend jouer les faiseurs de paix ou les trouble-fêtes dans une nation qui aspire depuis trop longtemps à la quiétude.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: linterview.cd
