Une crise sanitaire sans précédent secoue actuellement la province du Sankuru en République Démocratique du Congo. Depuis le vendredi 4 avril, les médecins de 16 zones de santé ont entamé un mouvement de grève pour exiger la libération du Dr Pierre Kokolomami, médecin directeur intérimaire de l’Hôpital général de référence d’Ototo, actuellement incarcéré à la prison centrale de Lodja.
Cette situation dramatique fait suite au décès tragique d’une femme enceinte et de son bébé lors d’une intervention chirurgicale. Le Dr Pierre Omadjela, président du Conseil provincial de l’Ordre des médecins du Sankuru, a fermement conditionné la reprise du travail à la libération de leur confrère, soulignant les circonstances particulièrement difficiles de ce cas médical.
Comment en est-on arrivé à cette impasse ? Selon les explications du Dr Omadjela, la défunte avait d’abord consulté des matrones traditionnelles pendant une période prolongée avant de se présenter au centre de santé avec des signes de rupture utérine avancée. « La matrice avait subi une rupture et la patiente présentait des saignements importants », a précisé le représentant des médecins.
L’infirmier titulaire avait alors appelé en urgence le Dr Kokolomami pour pratiquer une césarienne. Malheureusement, l’enfant était déjà décédé à ce moment. Face à la demande du médecin d’acheter des médicaments nécessaires, la famille aurait répondu ne pas en avoir les moyens. Le paiement de l’opération elle-même s’était fait par le dépôt de trois petites casseroles en guise de garantie, illustrant la précarité extrême des patients dans cette région de la RDC.
Après le décès du nourrisson, la patiente aurait été conduite chez des médecins traditionnels avant d’être finalement amenée à l’Hôpital général de référence de Lodja, où elle a malheureusement succombé. Ce tragique enchaînement d’événements met en lumière les défis criants du système de santé dans cette province congolaise, où se mêlent pénurie de moyens, recours aux pratiques traditionnelles et difficultés d’accès aux soins modernes.
Cette grève des médecins du Sankuru soulève des questions fondamentales sur les conditions de travail du personnel médical en RDC et la responsabilité des praticiens face à des situations d’urgence dans un contexte de ressources limitées. Jusqu’où peut aller la solidarité professionnelle face à la justice ? Comment améliorer l’accès aux soins dans les zones reculées du pays ? Autant d’interrogations qui restent en suspens alors que des milliers de patients se retrouvent privés de soins médicaux essentiels.
La situation dans le Sankuru reflète les défis plus larges du secteur de la santé en République Démocratique du Congo, où les infrastructures médicales peinent souvent à répondre aux besoins d’une population confrontée à la pauvreté et à l’éloignement géographique. Cette crise locale pourrait bien devenir le symbole des luttes que mènent au quotidien les professionnels de santé congolais pour exercer leur métier dans des conditions dignes.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net