Dans un mouvement sans précédent, des centaines de membres désarmés des FARDC et de la PNC quittent ce mercredi les installations de la MONUSCO à Goma. Leurs valises contiennent plus que des effets personnels : onze années de vie suspendue entre conflit et protection onusienne. « Je ne sais pas si Kinshasa nous réserve un avenir ou un oubli », confie sous anonymat un ex-soldat, le regard fixé sur le convoi humanitaire du CICR.
Une opération sous haute tension humanitaire
Le ballet des bus affrétés par le CICR s’organise sous les caméras discrètes des casques bleus. Cette évacuation volontaire – une première impliquant simultanément gouvernement, M23 et Nations Unies – interroge sur les non-dits de la crise du Nord-Kivu. Pourquoi ces familles ont-elles préféré vivre cloîtrées dans une base internationale plutôt qu’affronter la réalité extérieure ?
Le casse-tête de la réinsertion
À Kinshasa, le ministère de la Défense promet « un accompagnement socio-économique complet ». Mais sur le terrain, les défis s’annoncent titanesques. Comment intégrer d’anciens combattants dans une capitale où le chômage frappe 75% des jeunes ? Quelle réponse apporter aux enfants nés et élevés dans l’enceinte sécurisée de la MONUSCO ?
François Moreillon du CICR tempère : « Notre mandat se limite à garantir un transfert sécurisé et consenti ». Pourtant, chaque kilomètre parcouru vers l’ouest ravive les blessures d’une guerre oubliée. Les ex-policières évacuées évoquent en chuchotant les menaces subies après le refus de rallier les rangs du M23.
L’épineuse question du consentement
Le CICR insiste sur le caractère volontaire de l’opération. Mais dans une région où les allégeances armées dictent la survie, comment distinguer libre arbitre et contrainte larvée ? Une travailleuse humanitaire sous couvert d’anonymat s’interroge : « Ces personnes avaient-elles vraiment le choix entre rester sous perfusion onusienne ou tenter leur chance à 1 500 km de leur terre natale ? »
Un précédent dangereux ou porteur d’espoir ?
Cette médiation inédite pourrait faire école dans d’autres zones de tension. Pourtant, certains observateurs dénoncent un « arrangement géopolitique » déguisé en action humanitaire. D’autres y voient au contraire une lueur de coopération pragmatique entre belligérants.
Reste que le succès de cette opération se jouera dans les mois à venir. Les autorités congolaises parviendront-elles à transformer ce transfert en véritable réinsertion ? Ou assistera-t-on à la création involontaire d’une nouvelle communauté de déplacés dans les faubourgs de Kinshasa ? La réponse déterminera l’avenir de bien d’autres âmes en suspens dans l’est du pays.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd