Alors que Kinshasa bruisse de spéculations sur l’évolution des tensions dans l’Est, la récente déclaration du Président Félix Tshisekedi concernant la signature d’une Déclaration de principes avec le Rwanda, sous médiation américaine, suscite autant d’espoirs que de scepticisme. Cet accord, présenté comme une « avancée historique » par les parties prenantes, pourrait-il réellement sceller la fin d’une crise sécuritaire qui mine la région depuis des décennies ? La question hante les débats, tant les précédents accords ont souvent accouché de désillusions.
Lors d’un point de presse conjoint avec son homologue bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló, en visite éclair à Kinshasa, le Chef de l’État a martelé sa détermination : « Après ce que vous êtes en train de voir, il n’y aura plus de problèmes d’instabilité en République Démocratique du Congo ». Une promesse solennelle, mais qui sonne comme un défi face à la complexité du dossier. Le Phare relève d’ailleurs avec une ironie mordante que « les architectes de l’instabilité », évoquant sans les nommer certains réseaux économiques transfrontaliers, « ne décolèrent pas » face à cette initiative risquant de tarir leurs lucratifs trafics de minerais.
Derrière les déclarations optimistes se profile un calcul géopolitique audacieux. En associant Washington à ce processus, Tshisekedi mise sur un partenariat stratégique visant à formaliser l’exploitation commune des ressources du Kivu – coltan, or et diamant – aujourd’hui pillées par des groupes armés. Une manœuvre à double tranchant : si elle réussit, elle pourrait assoir l’autorité de l’État sur ces territoires ; si elle échoue, elle risque d’exposer un peu plus la souveraineté congolaise aux appétits étrangers. La Référence Plus souligne d’ailleurs que des millions de Congolais « attendent de pied ferme » des actes concrets, las des annonces sans suites.
L’ombre du passé plane sur ces négociations. En 2021 déjà, des accords commerciaux signés à Goma entre la RDC et le Rwanda n’avaient résisté ni aux réalités du terrain ni aux rivalités régionales. Congo Nouveau rappelle que certains observateurs y voient aujourd’hui « une remise à jour d’anciennes promesses » plutôt qu’une véritable rupture. Pendant ce temps, le M23 continue ses incursions, défiant les déclarations de paix comme un rappel cru des limites du discours diplomatique.
Sur le front intérieur, le gouvernement devra aussi composer avec une opinion publique partagée. Si la majorité salue l’initiative présidentielle, une frange de la population dénonce déjà « l’amnésie des priorités nationales », évoquant les projets de développement restés lettre morte à l’intérieur du pays. Le ministre Patrick Muyaya, lors d’un récent discours à Paris, a tenté de rassurer en parlant d’« avancées diplomatiques », mais son ton mesuré trahissait la prudence de ceux qui savent les pièges de la realpolitik africaine.
La visite du président Embaló ajoute une dimension symbolique à ce dossier. En affichant une solidarité sans faille avec Kinshasa, la Guinée-Bissau semble vouloir consolider un axe africain face aux ingérences externes. La promesse d’ouvrir des ambassades réciproques et d’activer des commissions mixtes dessine les contours d’une nouvelle diplomatie congolaise, plus offensive sur le continent. Mais dans l’immédiat, tous les regards restent braqués sur l’Est : les prochaines semaines diront si cette Déclaration de principes n’est qu’un feu de paille médiatique ou l’amorce d’une véritable refondation géostratégique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
