Dans un geste porteur d’espoir, le marché de Djudha, épicentre de tensions meurtrières dans le territoire de Djugu, rouvre ses portes après des mois de paralysie. Une lueur de normalité renaît sous l’égide de la MONUSCO, mais derrière cette avancée, des questions cruciales persistent : cette trêve commerciale résistera-t-elle aux fractures historiques entre communautés Hema et Lendu ?
« Avant, nos enfants pleuraient le ventre vide. Les camions ne passaient plus, les milices contrôlaient les chemins », confie une marchande de pommes de terre rencontrée près des étals délabrés. Son témoignage résume le calvaire vécu par des milliers de civils pris en étau entre les groupes CODECO et Zaïre. La réouverture de ce carrefour vital, où s’échangent 80% des denrées alimentaires de la région, soulage une population exsangue.
Pourtant, l’accord du 28 avril ne masque qu’à peine les défis structurels. Le chef de secteur de Walendu Tatsi le reconnaît : « Le marché n’est qu’un premier pas. Sans routes sécurisées pour les paysans, nos récoltes pourrissent sur place ». Un paradoxe cruel pour cette zone rurale où l’abondance agricole côtoie la famine dans les sites de déplacés comme Rhoo.
Logo Bamaraki, président des jeunes de Bahema Nord, alerte : « Nos champs sont des champs de mines sociaux. Comment cultiver quand chaque sillon peut réveiller des haines ancestrales ? ». Sa question résonne comme un avertissement : les mécanismes de médiation traditionnelle, bien que salutaires, peinent à contenir la militarisation croissante des conflits agropastoraux.
La MONUSCO mise sur le dialogue direct avec les chefs armés, une stratégie à double tranchant. Si les notables locaux saluent cette initiative, certains observateurs s’interrogent : négocier avec des groupes responsables de massacres ne risque-t-il pas de légitimer leur emprise sur le territoire ?
L’enjeu dépasse la simple circulation des biens. Le marché de Djudha fonctionne comme un baromètre des relations intercommunautaires. Sa fermeture en mars dernier avait entraîné une flambée des prix jusqu’à Bunia, prouvant l’interdépendance économique entre zones urbaines et rurales. Aujourd’hui, chaque sac de maïs échangé porte en germe une fragile réconciliation.
Mais la vraie bataille se jouera loin des étals. Dans les collines environnantes, où des milliers de déplacés tentent de récupérer leurs terres. Le long des pistes lacustres du lac Albert, où les milices imposent toujours leur dîme sanglante. « La paix a un prix », murmure un ancien du village de Pitsi. « Si les jeunes ne trouvent pas d’alternative à la kalachnikov, nos mains tendues finiront par se fatiguer ».
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net