Dans le cœur battant du Nord-Kivu, une catastrophe silencieuse ronge les plantations de bananes du groupement Waloa Uroba. Plus de 80% des cultures sont désormais ravagées par une bactérie mystérieuse, laissant derrière elle des champs fantômes et des communautés au bord du précipice. Les bananiers, autrefois symboles de prospérité, se transforment en squelettes végétaux sous les yeux impuissants des agriculteurs.
Comment une région entière peut-elle basculer dans l’insécurité alimentaire en moins d’une année ? La réponse se cache dans ces feuilles qui jaunissent inexorablement, dans ces régimes avortés qui ne nourriront personne. Les paysans de Walikale décrivent une « malédiction » : leurs plants dépérissent sans que personne ne puisse identifier l’origine exacte du fléau. Les tentatives de replantation aggravent la situation, étendant le désastre comme une traînée de poudre.
Les conséquences économiques frappent déjà fort. « Avant, un hectare de bananiers rapportait l’équivalent de 300 dollars par mois. Aujourd’hui, nous mendions pour nourrir nos enfants », témoigne un cultivateur sous couvert d’anonymat. Le secteur agricole local, pilier de l’économie, voit ses fondations s’effriter jour après jour.
L’ingénieur agronome Gadi Mirimo, chef d’antenne de l’agriculture dans le secteur des Wanianga, alerte sur un risque de contamination généralisée : « Utiliser des plants infectés pour de nouvelles plantations, c’est signer l’arrêt de mort de toute la région ». Ses services tentent d’endiguer la crise, mais manquent cruellement de moyens techniques et financiers.
Derrière les chiffres glacants se profile une tragédie humaine. Les bananes ne représentent pas seulement une culture commerciale : elles constituent la base alimentaire de 70% des ménages locaux. Les premiers cas de malnutrition infantile commencent à apparaître dans les centres de santé, avant-coureurs d’une crise humanitaire annoncée.
La rapidité de propagation du pathogène interroge. Certains experts évoquent le dérèglement climatique comme facteur aggravant, avec des températures anormalement élevées créant un terrain propice aux maladies. D’autres pointent la monoculture intensive qui a fragilisé les écosystèmes agricoles locaux.
Face à l’urgence, les appels à l’aide internationale se multiplient. « Sans intervention rapide, nous risquons de voir toute une génération sombrer dans la pauvreté extrême », s’alarme un responsable communautaire. La solution passera nécessairement par un programme d’urgence associant recherche agronomique, soutien alimentaire et reconversion agricole partielle.
Cette crise sanitaire végétale révèle la vulnérabilité d’un système économique trop dépendant d’une seule culture. Elle pose une question cruciale : comment bâtir une résilience agricole dans un contexte de changements climatiques et de pressions démographiques croissantes ?
Alors que les premiers stocks de nourriture commencent à s’épuiser, la course contre la montre est engagée. Le temps presse pour sauver Waloa Uroba de la famine, mais aussi pour préserver ce qui reste de son précieux patrimoine agricole. L’avenir de toute une région se joue maintenant dans ces champs moribonds, sous le soleil implacable du Nord-Kivu.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd
