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RDC : L’immunité parlementaire, dernier rempart contre la justice dans l’affaire Matata Ponyo ?

L’Assemblée nationale a jeté un pavé dans la mare judiciaire en exigeant, ce mardi 29 avril, l’arrêt immédiat des poursuites visant Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre et figure clé de l’opposition. Cette décision, motivée par une interprétation rigoureuse de l’article 107 de la Constitution, soulève des interrogations brûlantes sur l’équilibre des pouvoirs en République démocratique du Congo. À Kinshasa, où les arcanes du droit croisent souvent celles du politique, cette affaire pourrait bien redéfinir les frontières de l’impunité et de la responsabilité.

Dans une missive adressée au président de la Cour constitutionnelle, Vital Kamerhe, patron de l’hémicycle, brandit l’argument de l’inviolabilité parlementaire comme un bouclier juridique. « Aucune procédure ne peut être engagée contre un élu du peuple sans le feu vert préalable de l’Assemblée », martèle-t-il, rappelant avec une précision chirurgicale les termes de la Loi fondamentale. Une position qui, sous couvert de défendre les institutions, interroge : jusqu’où s’étend le privilège de l’immunité lorsqu’il s’agit de crimes présumés d’envergure ?

Le dossier Bukanga-Lonzo, ce projet agroalimentaire pharaonique accusé d’avoir englouti près de 200 millions de dollars dans des conditions opaques, prend ici des allures de champ de bataille constitutionnel. Alors que la Cour réclamait fin avril des peines allant jusqu’à 20 ans de travaux forcés contre Matata Ponyo, le législatif oppose un veto procédural. Une manœuvre perçue par certains observateurs comme un calcul à double détente : protéger un symbole politique tout en affirmant la primauté du Parlement face à un judiciaire perçu comme instrumentalisé.

La contre-offensive parlementaire ne s’arrête pas là. Un collectif de 50 députés monte au créneau, dénonçant un « coup d’État institutionnel » et exigeant la tête du procureur général près la Cour constitutionnelle. Leur argument ? Une marginalisation inquiétante du statut de représentant national, menacé selon eux de « disparition programmée ». Des termes excessifs ? Pas tant que cela, si l’on considère les récentes tensions entre pouvoirs. Cette escalade verbale révèle une fracture plus profonde : celle d’une classe politique divisée sur l’interprétation même des règles du jeu démocratique.

Pourtant, Vital Kamerhe se défend de toute entrave à la justice. « Il s’agit simplement de rappeler que la Constitution n’est pas un menu à la carte », assène-t-il, dans une formule qui résume à elle seule le nœud du dilemme. Mais dans les couloirs feutrés de la Cité de l’UA, certains chuchotent que ce rappel à l’ordre masque mal une réalité plus prosaïque : la crainte d’un précédent judiciaire qui pourrait toucher d’autres élus dans le collimateur des magistrats.

L’enjeu dépasse aujourd’hui la seule personne de Matata Ponyo. À travers ce bras de fer institutionnel, c’est toute la mécanique des contre-pouvoirs congolais qui se retrouve sous pression. La Cour constitutionnelle, garante ultime de la légalité, se voit sommée de trancher un litige dont l’issue pourrait modifier durablement l’équation politique. Son président devra naviguer entre le respect scrupuleux des textes et les impératifs d’une opinion publique de plus en plus sensible aux questions de lutte contre la corruption.

Dans ce jeu d’échecs où chaque mouvement est calculé au quart de poil, une question persiste : l’immunité parlementaire doit-elle servir de bouclier absolu ou de simple garde-fou contre les dérives arbitraires ? Alors que la RDC s’apprête à entrer dans le cycle électoral de 2026, ce débat prend une résonance particulière. Les prochains jours seront cruciaux pour mesurer la capacité des institutions à résister aux secousses d’une démocratie en tension permanente.

Entre les exigences de reddition des comptes et les impératifs de stabilité politique, le fil est mince. Mais n’est-ce pas précisément sur ce fil que se joue, depuis des décennies, le destin politique congolais ? L’affaire Matata Ponyo, miroir grossissant des contradictions du système, pourrait bien devenir le test décisif de la maturité constitutionnelle du pays. À moins qu’elle ne se transforme en précédent dangereux, creusant un peu plus le fossé entre une classe dirigeante perçue comme intouchable et une population en attente de redevabilité.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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