Dans un pays où 90% des ménages dépendent du charbon de bois pour la cuisson, le Kasaï-Central pourrait bien devenir le laboratoire d’une révolution énergétique. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) vient de boucler une étude cruciale sur l’introduction du gaz de pétrole liquéfié (GPL) à Kananga. Une initiative qui pourrait redéfinir les habitudes de consommation tout en sauvant les forêts congolaises, ces « poumons verts » étouffés par une déforestation effrénée.
Derrière ce projet se cache un constat alarmant : chaque minute, l’équivalent de trois terrains de football disparaît sous les coupes illégales en République Démocratique du Congo. Les experts de Deloitte, mandatés par le PNUD, ont passé au crible les réalités socio-économiques de Kananga. Leur mission ? Trouver le point d’équilibre entre transition écologique urgente et accessibilité pour des populations dont 72% vivent sous le seuil de pauvreté.
Une bombe écologique à désamorcer
Le charbon de bois, ce tueur silencieux, ne se contente pas de ronger les forêts. Dans les ruelles de Kananga, des milliers de femmes inhalent quotidiennement des fumées toxiques équivalentes à 20 paquets de cigarettes. « C’est une double peine : environnementale et sanitaire », analyse un responsable local sous couvert d’anonymat.
Le projet du PNUD promet une triple victoire :
– Réduction de 60% des émissions de CO2 liées à la cuisson
– Diminution des maladies respiratoires
– Création d’une filière gazière locale
Mais le diable se cache dans les détails. Comment convaincre une population rurale que le GPL – perçu comme dangereux et coûteux – peut devenir un allié du quotidien ?
Les défis d’une transition juste
L’étude de faisabilité révèle des obstacles de taille. Le prix d’une bouteille de gaz équivaut à deux mois de dépenses en charbon pour un ménage moyen. « Sans subventions massives et campagnes de sensibilisation choc, ce projet risque de rester lettre morte », prévient un économiste basé à Kinshasa.
Autre écueil : les infrastructures. Seulement 38% des habitants de Kananga ont accès à des routes praticables en saison des pluies. Distribuer des bonbonnes de gaz dans ces conditions relève du parcours du combattant. Le PNUD mise sur des partenariats publics-privés innovants, mais les acteurs locaux restent sceptiques.
Quelle suite pour le projet ?
Les prochains mois seront décisifs. Le gouvernement provincial devra trancher : maintenir le statu quo environnementalement désastreux ou prendre le virage risqué des énergies modernes. Une chose est sûre : le choix fait à Kananga pourrait créer un précédent pour toute la région des Grands Lacs.
Alors que les actualités RDC se focalisent souvent sur les crises politiques, ce dossier rappelle une évidence : les batailles les plus cruciales pour l’avenir du pays se jouent aussi dans les cuisines populaires et les forêts menacées. La transition énergétique n’est plus une option, mais une course contre la montre où chaque foyer converti au GPL devient un soldat de l’écologie.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net