La baie de Ngaliema, ce poumon historique de Kinshasa, retient son souffle. Entre mercredi et jeudi, les bulldozers entameront une opération-choc pour démolir des centaines de constructions anarchiques. Une décision du gouvernement provincial qui fait trembler commerçants et habitants, mais soulève aussi des questions cruciales sur l’avenir urbain de la capitale congolaise.
« Nous avons déjà effectué la délimitation. Place à l’action », a tonné Léon Mulumba, ministre provincial de l’Environnement, lors d’une descente musclée à la gare de Kintambo. L’ultimatum était sans appel : 48 heures pour évacuer ces bâtiments érigés en marge des normes. Un coup de force urbanistique qui révèle une vérité crue – Kinshasa étouffe sous le poids de son propre développement.
Derrière cette offensive se cache un drame quotidien. Kintambo, quartier stratégique de la capitale, suffoque dans les embouteillages. Les voitures et motos s’y engluent comme dans des sables mouvants, prisonnières d’un urbanisme dépassé. La future gare de stationnement promise par les autorités sera-t-elle le remède miracle ? Rien n’est moins sûr. Car chaque démolition pose une question lancinante : comment la République Démocratique du Congo peut-elle concilier ordre urbain et pression démographique ?
L’enjeu dépasse la simple circulation. Ces constructions illégales, cancer silencieux du paysage kinois, symbolisent une gestion urbaine en mode survie. « Béton sauvage » grignotant les espaces publics, habitats précaires défiant les règles élémentaires de sécurité… La baie de Ngaliema devient le théâtre d’un bras de fer entre régulation étatique et réalité socio-économique. Qui paiera le prix de cette urbanisation désordonnée ? Les petits commerçants expulsés, ou les générations futures privées d’infrastructures viables ?
Cette opération s’inscrit dans un contexte national explosif. Alors que Lubumbashi et Goma font face à des défis similaires, la RDC semble prise en tenaille entre urgence écologique et nécessité développementale. Le ministre Mulumba martèle sa vision : « Embellir Kinshasa pour mieux servir ses habitants ». Mais derrière ce slogan se cache un dilemme redoutable. Comment transformer une ville-monde sans sacrifier ses populations les plus vulnérables ?
Les experts tirent la sonnette d’alarme. Sans plan global intégrant logement social et accompagnement économique, ces démolitions risquent de ne être qu’un cautère sur une jambe de bois. « Détruire est facile, reconstruire durablement sera le vrai défi », analyse un urbaniste sous couvert d’anonymat. La balle est désormais dans le camp des autorités. Vont-elles saisir cette crise pour repenser l’aménagement du territoire congolais ?
Une chose est sûre : l’Actualité RDC vient de trouver son symbole. La baie de Ngaliema, miroir grossissant des contradictions d’une nation en mutation. Alors que les pelleteuses s’apprêtent à gronder, Kinshasa retient son souffle. Et si cette opération-choc marquait le début d’une nouvelle ère pour les villes congolaises ? L’Histoire jugera. Mais d’ici là, des milliers de Kinois attendent, entre espoir et appréhension, le choc du béton contre le marteau-pilon de la loi.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: mediacongo.net