Dans les rues de Lubumbashi, la scène est devenue familière : des enfants en haillons errent près des marchés, cherchant un repas ou un abri précaire. Jeudi 24 avril, le crépitement des sirènes de police a rompu cette routine. Sous les ordres des ministres provinciaux de l’Intérieur et du Genre du Haut-Katanga, une opération d’identification des enfants en rupture familiale a été lancée dans le cadre du programme « Ndobo ». Des dizaines de mineurs, dont des filles-mères, ont été conduits au commissariat. Mais derrière cette initiative se cache une question lancinante : ces rafles offrent-elles une vraie issue ou ne sont-elles qu’un pansement sur une plaie sociale béante ?
« Ils nous ont embarqués comme des voleurs », murmure un adolescent de 14 ans, les yeux rivés au sol. Comme lui, des centaines d’enfants sont pris dans cet engrenage. Valérienne Mumba Kiboko, ministre provinciale du Genre, défend le projet : « Nous allons voir avec le gouvernement provincial la possibilité d’une prise en charge totale ». Pourtant, l’histoire semble se répéter. Le centre de Lukuni, à 50 km de Lubumbashi, accueille régulièrement ces enfants… qui souvent s’en échappent. En 2022, sur 150 mineurs placés, près de 70% étaient retournés dans la rue en six mois.
Cette situation interroge les priorités politiques de la RDC. Alors que les actualités économiques RDC révèlent une inflation galopante, les familles rurales fuient vers Lubumbashi pour finalement sombrer dans la précarité. « Mon père est mort dans une mine artisanale. Ma mère vend des beignets, mais ça ne suffit pas », confie une fille-mère de 16 ans, son bébé endormi contre sa poitrine. Un drame qui illustre les failles d’un système où la protection sociale reste un vœu pieux.
Les nouvelles congolaises regorgent pourtant d’annonces ambitieuses. Mais sur le terrain, le manque de moyens saute aux yeux. Le centre de Lukuni fonctionne avec deux éducateurs pour 80 enfants. Pas de psychologues, une infirmerie sous-équipée, et des ateliers de formation sans matériel. « On nous promet toujours des solutions durables, mais après les caméras parties, plus personne ne vient », déplore un travailleur social sous couvert d’anonymat.
Cette opération soulève aussi des enjeux de santé RDC. La majorité des enfants de la rue souffrent de malnutrition ou de maladies cutanées. Les filles-mères, particulièrement vulnérables, survivent souvent grâce à des « protecteurs » qui les exploitent. « Comment briser ce cycle sans un accompagnement global ? », s’interroge une militante des droits de l’enfant contactée par nos rédacteurs.
Derrière les bonnes intentions affichées, certains y voient une opération de communication. À l’approche des échéances électorales, les actualités politiques RDC montrent une surenchère de projets sociaux. Pendant ce temps, les causes profondes – chômage des jeunes, effritement des structures familiales, exploitation minière informelle – restent en suspens. La ministre du Genre elle-même le reconnaît implicitement : « D’autres étapes vont suivre ». Mais lesquelles ? Et avec quels financements ?
L’histoire de Moïse, 12 ans, résume ce dilemme. Placé trois fois en centre, il retourne invariablement à la rue. « Là-bas, on mange une fois par jour. Au moins ici, les chauffeurs de taxi me donnent parfois 500 francs ». Son témoignage cru met en lumière l’urgence d’une approche multidimensionnelle associant éducation, santé et insertion professionnelle. Sans quoi les opérations « Ndobo » ne seront qu’un énième épisode dans une tragédie sociale qui mine le Haut-Katanga et, au-delà, toute la RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
