Dans un contexte où la désinformation sanitaire fait des ravages en RDC, une initiative salutaire vient de voir le jour à Bunia. Cent professionnels des médias, dont 15 femmes, viennent de parfaire leurs compétences lors d’une formation intensive sur le journalisme santé, un secteur clé pour des millions de Congolais.
Organisée par Radio Okapi en partenariat avec l’UNICEF, cette session de trois jours a révélé des enjeux méconnus du grand public. Comment informer sur la vaccination sans alimenter les rumeurs ? Quelle posture adopter face aux violences sexuelles ? Autant de défis cruciaux pour une région régulièrement secouée par des crises sanitaires.
« Nous traitions ces sujets comme n’importe quel fait divers », confie Marcus Jean Loika, correspondant de B-One. Sa révélation résume tout l’enjeu de cette formation : combler un vide criant dans les rédactions. Les participants ont décrypté les mécanismes des fake news en santé, apprenant à croiser les sources et à vulgariser sans déformer.
La question des titres accrocheurs a particulièrement marqué les esprits. Jeanviette Isenge de la radio Les Rébâtisseurs explique : « Un bon lancement doit tenir en une phrase – sujet, verbe, complément – tout en créant l’attente ». Une gymnastique verbale essentielle pour capter l’attention dans un paysage médiatique congolais saturé.
Le traitement des violences sexuelles a soulevé des débats passionnés. Jolie Palmer insiste : « Divulguer l’identité d’une victime de viol, c’est souvent la condamner socialement ». Les formateurs ont martelé une règle d’or : l’éthique prime sur le sensationnalisme. Un principe qui résonne particulièrement en Ituri, province marquée par des conflits récurrents.
Mais comment appliquer ces bonnes pratiques face aux obstacles terrain ? Papy Kongolo, journaliste à Kasenyi, dresse un constat alarmant : « Obtenir un entretien avec le médecin-chef de zone relève parfois du parcours du combattant ». Ces difficultés d’accès aux sources officielles créent un terreau fertile aux rumeurs.
La solution ? Olivier Okande de Komanda la résume : « L’expertise médicale doit devenir notre partenaire éditorial ». Une approche qui nécessite cependant un changement de mentalité à double sens – chez les soignants comme dans les rédactions.
Avec 15% de participantes féminines, cette formation soulève une autre question cruciale : la place des femmes dans le journalisme d’investigation en RDC. Leur présence constitue pourtant un atout majeur pour aborder des sujets sensibles comme la santé reproductive.
Cette initiative arrive à point nommé alors que le pays affronte simultanément des épidémies de rougeole et de choléra. Les nouvelles compétences acquises par ces 100 journalistes pourraient bien constituer une arme de prévention massive. Reste à savoir comment transformer l’essai sur le terrain, dans un contexte de méfiance croissante envers les médias traditionnels.
L’enjeu dépasse la simple amélioration des contenus. Il s’agit ni plus ni moins de reconstruire un pont de confiance entre les populations et les institutions sanitaires – un défi de taille dans une région où seulement 42% des enfants sont complètement vaccinés selon les dernières statistiques sanitaires RDC.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net