Dans un contexte marqué par des tensions persistantes dans l’est de la République Démocratique du Congo, le gouvernement congolais tente de réaffirmer son emprise sur une stratégie de paix aussi fragile qu’ambitieuse. Les récentes déclarations de Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, lèvent un coin de voile sur les dessous d’une communication conjointe avec le mouvement armé AFC/M23, suscitant autant d’espoirs que de scepticismes.
« Nous ne pouvons pas faire de paix sans compromis », a martelé Muyaya lors d’une conférence de presse à Kinshasa, rappelant l’attachement de la RDC aux processus de Luanda et de Doha. Une phrase qui résume à elle seule le dilemme congolais : comment concilier dialogue politique et fermeté face à des groupes armés accusés de violer l’intégrité territoriale du pays ? Le ministre a insisté sur la « logique processuelle » de cette annonce, fruit de négociations amorcées dès la rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame sous médiation qatarie.
Sanctions et diplomatie : une stratégie à double tranchant
Le gouvernement congolais ne manque pas de brandir ses récents succès diplomatiques comme preuve de sa crédibilité. Les sanctions américaines, belges et britanniques contre des responsables rwandais et des dirigeants du M23 sont présentées comme des « victoires » découlant de la vision présidentielle. « Grâce à des efforts soutenus, nous avons obtenu des retombées concrètes », a souligné Muyaya, dans un plaidoyer pro domo qui n’élude pas les questions épineuses.
Mais derrière cette rhétorique se cache une réalité plus complexe. Si Kinshasa se félicite des résolutions 2773 de l’ONU et des feuilles de route de la SADC-EAC, force est de constater que les processus de paix peinent à traduire leurs recommandations en actions tangibles. Le dialogue direct avec les rebelles – présenté comme un « devoir » par le porte-parole – ressemble autant à une obligation institutionnelle qu’à une volonté stratégique. Jusqu’où le gouvernement est-il prêt à aller dans ces concessions ?
Une trêve sous haute tension
L’accord de cessez-le-feu, qualifié de « franc et constructif » par les négociateurs, reste suspendu à une équation à multiples inconnues. La condamnation des discours de haine et des manipulations communautaires par les deux parties sonne comme un vœu pieux dans une région où les fractures ethniques sont régulièrement instrumentalisées. « Appeler les populations locales à embrasser la paix est une chose, leur en donner les moyens en est une autre », pourrait-on rétorquer.
Le véritable enjeu réside désormais dans la capacité de Kinshasa à transformer ces déclarations d’intention en mécanismes durables. Alors que Muyaya évoque une volonté de « s’attaquer aux racines profondes de la crise », certains observateurs s’interrogent : les négociations politiques en cours sauront-elles dépasser le cycle infernal des trêves éphémères et des reprises des combats ? La référence aux « compromis » nécessaires laisse entrevoir des concessions controversées, potentiellement explosives sur le plan intérieur.
L’Est congolais : laboratoire de la realpolitik régionale
Au-delà des frontières congolaises, ce dossier révèle les limites de la diplomatie africaine. Si les médiations de l’Union Africaine et du Qatar ont permis des avancées formelles, elles peinent à contenir les ingérences étrangères dénoncées par Kinshasa. La mention des sanctions contre le Rwanda rappelle que le conflit dépasse largement le cadre strictement congolais, s’inscrivant dans une géopolitique régionale volatile.
Reste que le gouvernement Tshisekedi joue sa crédibilité sur ce dossier. En faisant du dialogue une « part de responsabilité », il tente de concilier pression internationale et attentes populaires. Mais jusqu’à quand cette stratégie pourra-t-elle contenir les critiques d’une opinion publique lassée par des décennies de violences ? La réponse se niche peut-être dans la prochaine étape évoquée par Muyaya : l’opérationnalisation des mécanismes de suivi prévus par les accords de Doha. Un test décisif pour une paix qui, jusqu’ici, n’a trop souvent été qu’une parenthèse entre deux tempêtes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net